Saint-Jacques, cèpes, crème d'Epoisses... osez Joséphine !


Osez, osez Joséphine
Osez, osez Joséphine
Plus rien ne s'oppose à la nuit
Rien ne justifie...*
(Alain Bashung)

Telle pourrait être ma devise, au fronton des cuisines sans bruit, où rien ne s'oppose à l'envie.
Car il s'agissait bien d'oser pour que naisse l'idée de cette association. Oser arrêter le regard sur la croûte blonde et fleurie d'où s'échappaient les arômes puissants, qui me ramèneront toujours à ce premier rendez-vous, au feu crépitant dans cette salle d'auberge burgonde, à la nappe blanche amidonnée, au plateau d'osier et de feuilles séchées. Quand le pouvoir du goût abolit le temps et l'espace.

De ce fromage côtoyant sagement le kraft d'un sachet débordant de cèpes au sombre chapeau a surgi l'évidence. Une fulgurance de nacre blanche illuminant un dimanche d'automne. 

La saison ne ment jamais, dont les trésors s'accordent.
Les cèpes se sont faits sages, juste poêlés, mâtiné d'ail et de persil. La crème est venue tempérer les ardeurs de l'Epoisses. Le pain tranché finement et doré au beurre a craqué sous la dent. Offrant aux Saint-Jacques à la chair suave un écrin aussi savoureux qu'inattendu.

Ingrédients (pour 4 personnes) :
12 belles coquilles Saint-Jacques 
4 cèpes de taille moyenne, plutôt jeunes (le dessous du chapeau doit être blanc ou crème, mais toujours clair)
1 petit bouquet de persil
1 belle gousse d'ail
1 fromage d'Epoisses, si possible au lait cru, bien fait (crémeux à coeur)
1/2 baguette de bon pain
QS sel, poivre, huile neutre, beurre salé, crème fleurette

Préparation :
Préparer les coquilles (ou faites-les préparer chez le poissonnier) en ne gardant que la noix. Cette opération est très facile à réaliser soi-même : glisser la lame d'un couteau un peu large à l'intérieur, le long de la partie plate de la coquille, pour détacher la noix sans rien perdre. 
Passer les doigts sous les barbes et les tirer pour dégager le coquillage (garder éventuellement les barges pour une autre recette, après les avoir extrêmement bien rincées).
A l'aide d'une cuillère à soupe, détacher la noix de la partie bombée de la coquille, ôter le muscle dur. Rincer pour ôter tout le sable.
Nettoyer les cèpes à l'aide d'un essuie-tout humide, ôter le bout terreux. Les tailler en gros dés.
Ciseler le persil, éplucher l'ail et le tailler le plus finement possible.
Dans une petite casserole, déposer l'Epoisses coupé en morceaux avec 20 cl de crème fleurette. Faire chauffer doucement pour que le fromage fonde bien, réduire jusqu'à obtenir une crème bien nappante. Poivrer légèrement.
Tailler la baguette en tranches très fines. Les dorer à la poêle pour les rendre croustillantes. Réserver sur un essuie-tout.
Saisir les dés de cèpes dans une poêle bien chaude avec un peu d'huile. Ajouter le beurre, faire mousser et dorer les cèpes sur toute la surface. Couper le feu, ajouter le persil et l'ail.
A la minute, saisir rapidement les noix de Saint-Jacques de chaque côté dans le beurre salé mousseux. L'extérieur doit être doré, mais la chair à peine prise à l'intérieur.

Dressage :
Déposer la brunoise de cèpes au fond d'une assiette creuse préchauffée, napper de crème d'Epoisses, ajouter un peu de persil, les noix de Saint-Jacques par-dessus. Terminer avec deux tranches de pain.

Et osez Joséphine !




NB : Le fromage d'Epoisses est né il y a cinq siècles dans le petit village de Côte d'Or éponyme, au sein d’une communauté de religieux. Fabriqué à partir de lait de vache cru, affiné au marc de Bourgogne, c'est un fromage puissant et élégant. Les fermières de la région, qui ont poursuivi sa fabrication à partir du XVIIe siècle, ont contribué à sa renommée. Sa recette originale, qui témoigne d'un terroir particulièrement riche, a failli disparaître dans les années 50, avant que la production ne soit relancée afin de protéger un patrimoine unique, puis dans les années 90. L’odeur de l’Epoisses est pénétrante, presque animale. En bouche, la pâte est douce et fondante, avec une partie centrale légèrement friable si le fromage est encore peu affiné. Une sensation délicieuse de crémeux au palais, des arômes de sous-bois, de fruits secs, un goût plus animal au fil de l'affinage... pour un fromage à nul autre pareil. La production est aujourd'hui en majeure partie pasteurisée, mais certains fromagers proposent encore des productions confidentielles au lait cru, incomparables.