Risotto d'asperges blanches aux langoustines

 C'est un jeu de patience que je vous propose là, qui me trottait dans la tête depuis longtemps. Très exactement depuis l'instant où j'avais entendu parler du risotto de soja de Thierry Marx, à l'époque où il officiait à Cordeillan Bages. Immédiatement séduite par l'idée de remplacer les grains de riz par le soja, et curieuse de découvrir ce que pouvait apporter à ce grand classique de la cuisine italienne la fraîcheur toute végétale du soja taillé en petits grains, j'avais été quelque peu déçue. Si visuellement l'illusion était parfaite, j'avais retrouvé une forme de mâche, mais la fadeur du soja soulignait à mes yeux un manque dans ce risotto réinterprété. L'absence de parmesan et de beurre y étaient aussi sans doute pour quelque chose, le mascarpone et le lait de soja, malgré leur consistance crémeuse, n'ayant pas réussi à retranscrire l'essence du risotto, cette émotion qui tapisse les papilles en un umami tout latin. 

Je restais pourtant persuadée qu'il y avait là quelque chose à tenter, et un beau jour, tout naturellement, l'asperge blanche s'est imposée. La même fraîcheur, presque la même texture que le soja, avec infiniment plus de goût. 

Je me suis lancée sans filet, une petite voix en moi me susurrait que j'étais sur la bonne voie. Il fallait juste imaginer un autre rythme, trouver le juste temps de cuisson... et ce jour-là, dans le secret de ma cuisine, le risotto d'asperges blanches naquit à la saison -car c'est bien de saison qu'il s'agit aussi, de ces premiers légumes nouveaux, des ces herbes folles au vert si tendre, de ces oignons nacrés sucrés de sève. 

Ingrédients (pour 4 personnes) : 

12 très grosses asperges blanches (les asperges vertes ne sont pas adaptées à cette recette car trop ligneuses, elles ne fondront pas sous la dent, les asperges violettes peuvent convenir, mais elles donneront de l'amertume à l'assiette)

8 langoustines royales (ou des gamberi rossi, des crevettes de Palamos, ou à défaut de belles gambas sauvages)

1 botte de coriandre

1 botte de cerfeuil

1 botte de persil plat

3 oignons nouveaux

1 gousse d'ail

1 demi-verre de vin blanc sec

QS beurre doux, parmesan, huile d'olive, sel, poivre (il est difficile de donner une proportion précise de beurre et de parmesan pour le risotto, l'opération qui consiste à mantecare, c'est-à-dire à réaliser une liaison crémeuse, se fait à l'oeil et à la spatule, la main sent l'instant où arrive l'équilibre parfait, ni trop ni trop peu)

Préparation : 

Rincer les herbes et les tiges vertes des oignons. Les hacher grossièrement au couteau et les déposer dans une casserole. Couvrir d'eau froide, saler, et porter à frémissement. Laisser cuire durant une demi-heure, à couvert, pour réaliser un bouillon d'herbes très frais. 

Décortiquer à cru les langoustines en gardant juste la queue. Oter les yeux des têtes, concasser les pinces. Déposer les carapaces, les pinces et les têtes dans un sautoir avec un petit filet d'huile d'olive. Chauffer à feu moyen pour colorer toutes ces parures, mais sans les brûler. Bien écraser les morceaux à la spatule en bois, afin de faire sortir les sucs. Dès que les sucs sont bien accrochés (on dit pincés), mouiller à hauteur d'eau. Porter à ébullition et laisser réduire sans couvrir durant une demi-heure, jusqu'à obtention d'un fumet concentré.

Pendant ce temps éplucher les asperges, ôter la base, couper les pointes à 3 cm en dessous des extrémités. Les réserver. Tailler le corps des asperges en petits morceaux de la taille de grains de riz. Pour ce faire, couper d'abord dans le sens de la longueur en bandes de 0,3 cm d'épaisseur. Détailler ces bandes en 7 ou 8 bandes étroites d'environ 0,3 cm de large. Enfin, ciseler ces bandes comme on cisèle des herbes, toujours à 0,3 cm environ, afin d'obtenir des morceaux d'asperges ressemblant à des grains de riz. Déposer l'ensemble dans une passoire, saler rapidement, pour les faire dégorger.

Filtrer le bouillon d'herbes d'un côté, le fumet de l'autre. Remettre le fumet dans une petite casserole et le laisser réduire à demi-glace (il doit devenir brillant). Monter la réduction au beurre froid avec un fouet. 

Cuire 5 minutes les pointes d'asperges dans un fond d'eau et de beurre. 

Dans une autre poêle bien chaude ou sur une plancha snacker rapidement les langoustines avec un peu d'huile. Elles doivent être saisies, mais encore presque crues à coeur. Ne pas prolonger la cuisson sous peine de voir la chair durcir. Réserver sur un papier absorbant. 

Ciseler les oignons blancs nouveaux. Les déposer dans une sauteuse avec une pointe d'huile d'olive, laisser nacrer sans colorer. ajouter le vin blanc, laisser réduire jusqu'à presque évaporation du liquide. Ajouter les grains d'asperges et la gousse d'ail pressée, sans ajouter de bouillon au départ, l'idée étant de faire rendre aux grains d'asperge une partie de leur eau. Ajouter ensuite une toute petite louche de bouillon d'herbes, exactement comme pour un risotto, à feu vif, et laisser quasiment évaporer. Recommencer deux fois l'opération très rapidement. Le temps de cuisson des grains d'asperge est d'environ 5 minutes, c'est bien plus rapide que celui du riz. Saler légèrement. 

A la minute, ajouter le beurre en parcelles et le parmesan râpé ou mieux, taillé en fins copeaux afin d'enrober les grains d'asperge et d'apporter de l'onctuosité. Visuellement on doit obtenir le même résultat que pour un vrai risotto.

Dressage : 

Dans des assiettes creuses à risotto ou à pâtes bien chaudes déposer le risotto d'asperges. Ajouter 3 pointes par assiette, deux langoustines. Verser un cordon de fumet de langoustines, terminer en parsemant de quelques copeaux de parmesan et de pluches de cerfeuil.