Echine de cochon au citron noir
Contiser est le mot du jour, dont j'aime tant la sonorité, l'élégance et la rêverie qu'il suscite : princes vénitiens ou antique noblesse d'Ancien Régime, il m'évoque ces Conti dont j'imagine les lourds habits brocardés, les cols de dentelle et la fierté nostalgique d'une lignée désormais éteinte dont ils n'étaient que dépositaires dans leurs palais de marbre et d'or.
En vérité il n'y a aucun rapport entre eux et ce verbe technique qui définit de belle manière l'action d'inciser une chair pour y glisser des petits morceaux de garnitures aromatiques destinées à la parfumer durant la cuisson, comme ce morceau de cochon contisé d'ail et frotté d'herbes et de sel, dont la dégustation livre toutes ses promesses d'arômes somptueux.
Parmi les morceaux à rôtir l'échine a toujours eu ma préférence, pour son persillé qui en fait une viande particuliètement fondante. Et une fois passée cette étape de préparation destinée à la maturer, j'ai pour habitude de la cuisiner à la maraîchère, mijotée lentement sur un lit d'oignons et de poireaux, avec quelques baies de genièvre.
Las, aucune baie à l'horizon. La ressource des cuisiniers tient dans leur imagination prompte à anticiper le goût, à jouer sur les accords. Me voilà donc partie à l'assaut d'un citron noir au capiteux dessein, qui allait corser le jus de cuisson de saveurs étonnantes.
Ingrédients (pour 4 personnes) :
1 morceau d'échine de cochon fermier de grande qualité d'un bon kilo
1 bouquet de sauge fraîche
quelques branches de thym
4 gousses d'ail
2 cuillères à soupe de gros sel
1 citron noir séché
2 gros poireaux
4 oignons jaunes
25 cl de vin blanc sec
60 g de beurre
QS : sel, poivre, huile d'olive
Préparation :
La veille contiser la viande avec les gousses d'ail épluchées et taillées en petits bâtonnets. Poir ce faire pratiquer des incisions régulières sur toutes les faces du morceau et y glisser les bâtonnets d'ail. Frotter la viande avec le gros sel, recouvrir de la moitié de la sauge et d'un peu de thym. Filmer et réserver au frais jusqu'au lendemain. Cette opération va permettre de maturer l'échine et de la parfumer.
Le jour J rincer et sécher le morceau d'échine, le faire revenir dans une cocotte avrc l'huile, de tous les côtés, jusqu'à ce qu'il soit bien doré. Ajouter les oignons émincés et les blancs de poireaux lavés et coupés en tronçons. Laisser cuire à feu moyen quelques minutes, ajouter le vin blanc, la moitié du beurre, le citron noir entier, saler légèrement et verser un peu d'eau en complément. Le liquide doit arriver à la moitié de la hauteur de la viande.
Couvrir et enfourner à 160° durant deux bonnes heures en retournant la viande toutes les demi-heures. Vérifier la uisson au couteau, la lame doit rentrer très facilement partout. Prolonger éventuellement la cuisson en fonction.
Quand l'échine est cuite la sortir de la cocotte et réserver sous un papier aluminium pour garder la chaleur.
Ôter le citron, filtrer le jus de cuisson et le laisser reduire jusqu'à épaississement. Monter avec le reste du beurre en fouettant vivement.
Dressage :
Trancher l'échine. Servir avec le jus monté, les légumes de cuisson et quelques pommes de terre vapeur.
Considérations porcines, mais pas cochonnes :
Tout est bon dans le cochon, vraiment. Pas un morceau qui ne me déplaise. La seule question qui vaille, et qui se heurte à une réalité cruelle au pays des charcuteries et autres cochonailles, est celle de la qualité de la viande, et donc de l'élevage de la bête. Par souci de rentabilité, de toujours moins cher et plus vite produit, plus gros aussi, nous avons tiré vers le bas la production de ce fleuron de notre cuisine, jusqu'à abaisser son prix au plus près du zéro, et même parfois en dessous -sans parler de la pollution induite par le lisier d'élevages intensifs démesurés, dans lesquels on n'a jamais vu gambader le moindre porcelet, et pour cause !Double peine, on a aussi agi sur la sélection des races dans ce même souci de rentabilité, jusqu'à sacrifier celles qui donnaient le meilleur, quitte à les voir disparaître. Apprentis sorciers d'un monde sans fantasia, incapables de nous servir du balai qu'on nous avait donné pour faire le ménage devant notre porte, nous nous sommes tiré une balle dans le pied, immolant sur l'autel du fric celui si délicieux de notre suidé.
C'était sans compter sur la ténacité de quelques Gaulois réfractaires -aujourd'hui suivis par des éleveurs encore trop peu nombreux- qui ont réussi à préserver leurs cochons de cette folie. Véritable conservatoire vivant, ils ont continué d'élever, voire réintroduit, des races oubliées qui produisaient des viandes fabuleuses.
Ce sont elles qu'il faut rechercher à tout prix. En y mettant le prix justement, comme pour cette échine qui donnera un rôti savoureux au goût de paradis retrouvé.