Vous avez dit tomates...



La tomate est la star de l'été. Sans conteste et sans partage. Parce qu'avant d'honorer nos assiettes, elle règne sur nos souvenirs. Soleil en bouche, elle est cette île de fraîcheur au milieu du potager. Elle nous parle de doigts froissant les feuilles, déshabillant les tiges pour saisir la merveille qu'on dit rougie d'avoir trop vu Fanny. Jus délicieux coulant au coin des lèvres, sucré, acidulé. Couleurs chatoyantes, de l'or au noir, du vert au jaune, bleues quelquefois, écarlates souvent. Elle est l’aïeul au chapeau de paille usé, aux mains calleuses, essuyant sur ses braies la terre poussiéreuse. Le visage faïencé de la mamé en tablier fleuri, cette odeur de lavande s'échappant d'une armoire lors d'interminables parties de cache-cache dans la vieille maison. Les galéjades des maraîchers gouailleurs sur un marché chantant. Cette réminiscence d'enfance, de paradis perdu...

Parce qu'il faut bien l'avouer, la tomate, ce n'est plus ce que c'était. Fruit légume en plastique débordant des rayons de supermarchés, et même de marchés, du 1er janvier au 31 décembre, arrosée de pesticides, poussée dans la verte huerta, ou même dans des contrées plus exotiques, au nord comme au sud, selon la saison -qui n'a jamais goûté l'insipide et grotesque tomate de janvier n'a pu mesurer l'absurdité dans laquelle nous nous enfonçons sur la promesse de tout avoir toute l'année à moindre prix. 

Il y a pourtant de l'espoir, il suffit de chercher un peu. Le petit producteur aux semences anciennes, loin des hybrides trop beaux trop gros et pas assez du tout. Je vous l'accorde, il faut chercher. Un peu, beaucoup parfois. Traîner sur les marchés, écouter le murmure de ceux qui ont trouvé le graal. La rumeur enfle vite, il faut accepter d'être sobre, et de payer le prix. Le juste prix des hommes courbés, pas celui dérisoire de plants qui n'ont jamais connu la terre. 




Les Bordelais seraient bien inspirés d'aller faire un tour dans les jardins du même nom qui naissent sous les mains de Caroline Miquel*. Pour apprendre la vie, le cycle des journées, la lune et l'eau, le respect de la vie. Elle fournit les belles tables de la région et au plus fort de la saison ouvre sa récolte aux particuliers. Un conservatoire de plus de 900 variétés, patiemment collectées d'un bout du monde à l'autre, toutes anciennes, dont 680 ont été plantées cette année. 

Il en est un autre qui va vous ravir les papilles, c'est Bruno Cayron**. Qui jour après jour, en famille, se donne corps et âme pour produire des tomates anciennes dans ce petit coin du sud, luttant contre les éléments. Des plans anciens, cultivés avec amour, qui font le bonheur des restaurateurs à travers la France et que chacun peut se faire livrer par Chronofresh. Le coeur qui palpite en ouvrant le carton, le cageot débordant, offrant aux yeux et au palais le meilleur de l'été. 

Maintenant que vous avez dans votre panier de vraies tomates, il convient de les cuisiner. Chaud ou froid, la question ne se pose pas. Coulis, sauce au ragù ou ketchup, les préparations mijotées sont diverses, mais la chaleur aidant, on cherche la fraîcheur. Si bien que, la salade de tomates est avancée... tadam !

D'abord, les peler ou pas ? La question a ses détracteurs, et les débats peuvent être saignants. La règle est qu'une bonne tomate, une tomate mûre, se pèle à la pointe du couteau. Si la peau ne vient pas, oubliez. Et oubliez la tomate. Les monder en les plongeant quelques secondes dans de l'eau bouillante est un crime de lèse-majesté, qu'on se le dise. Vous allez cuire la surface de la tomate : certes la peau s'ôtera facilement, la chair aussi, laissant une surface bouillie. 


A la croque au sel, cueillies sur pied, je les mange volontiers avec la peau. Sinon je préfère les peler pour savourer pleinement la chair, mais je garde volontiers la peau pour la faire en friture.

Et la vinaigrette ? Je ne donne ici que mon point de vue, lié tant à mon expérience qu'à la philosophie d'un chef spécialiste de la question. La tomate, même gorgée de soleil, reste acidulée, de par sa concentration en vitamine C. J'en profite pour pointer du doigt la différence entre les tomates anciennes et les variétés hybrides, bien moins chargées en nutriments, notamment en vitamine C. Bref, la tomate a sa pointe d'acidité. Pourquoi dans ce cas lui rajouter un trait de vinaigre ou de citron ? Des herbes, des épices, ainsi qu'une excellente huile d'olive, joueront de ses saveurs.

Une seule exception, notamment sur les premières tomates, un poil moins mûres : le vinaigre balsamique, le vrai. Suave, rond et enveloppant, il sublime sa chair notamment associé à une belle mozzarella.

La mozza, parlons-en. Fromage filant, frais et subtil, quand il est bien fait, agrémenté de crème en burrata, il peut être magique. Oubliez le truc caoutchouteux que vous trouvez à bas prix au supermarché. Là encore privilégiez la qualité, qui a un prix. Si possible une origine française, sinon bio et surtout AOP. La date de péremption est importante aussi. La mozzarella se mange très fraîche. Privilégiez une DLUO longue. Seule avec un filet d'huile et un peu de sel, voire quelques feuilles de basilic, elle fera de vos tomates un must de la saison.

Justement. Sommes-nous condamnés pour l'éternité à la sainte trinité tomates mozza basilic, aux couleurs de l'Italie ? Absolument pas. 



Laissons tomber un instant le fromage. Oublions le basilic. L'estragon apportera une touche anisée, la menthe vous fera voyager, surtout si vous coupez le fruit en tartare. Mieux, quelques fleurs de fenouil révéleront des parfums puissants et étonnants de térébenthine. La coriandre ou le persil seront des compagnons de choix.



Changeons d'habitudes. Une râpée de chèvre très sec, des copeaux de tome de brebis.



Les épices aussi sont une source d'inspiration. Curry, cinq parfums, cardamome, safran, poivres vrais ou faux, jouez de vos placards et de vos goûts. Testez et ouvrez la porte aux grains de folie qui étonneront vos invités.

Coupez-les en petits dés, salez-les et laissez-les s'égoutter pour plus de saveur et de fermeté. Ajoutez-les à une salade d'herbes et un peu de boulgour pour le plus merveilleux des taboulés. Jouez du cari gosse avec une salade de tourteau. Mariez-les aux poivrons. Pensez guacamoke, le crai, avec son avocat malaxé grossièrement à la fourchette. Frottez un pain d'ail et écrasez-les pour un pan con tomate.

Libérez la tomate qui est en vous. Vous avez le produit, vous avez une grande recette !

*Caroline Miquel, les Jardins Inspirés

35 Rue François Ransinangue, 33320 Le Taillan-Médoc / 06 43 09 48 98

Ateliers de jardinage et d'agro écologie sous forme associative

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**Bruno Cayron, le Cayre de Valjancelle

Quartier Poudaspres, 83170 Tourves /  06 80 99 67 55

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