Un kebab sur le Bosphore


Tout est parti d'un post du chef David Faure, qui parlait d'une poitrine d'agneau cuite très lentement -trente-cinq heures, imaginez- à très basse température, puis rôtie à la braise. La tentation à l'état pur.  
J'imaginais le goût, les épices enjôleuses, le fondant et le croustillant. Et me voici partie, quelque part sur les rives du Bosphore, dans une rue sombre d'un vieux quartier d'Istanbul, bercée de Méditerranée à Tyr ou à Byblos, les doigts poisseux de jus, croquant à belles dents dans le pain chaud garni de réjouissance -de cette diablerie qui fait les plats simples et savoureux, l'ordinaire des pauvres gens au goût somptueux d'interdit. 
De rêverie en périple, je me lançai, sans barbecue ni four vapeur. L'aiguillon du défi, l'astuce en bandoulière. L'imagination au pouvoir. La promesse était belle, elle n'engageait que moi. A moi qui y croyais, que je ne pouvais décevoir.
Fuir, là-bas fuir. Je sentais bien les oiseaux ivres… et j'ai vaincu la page blanche, juste biffée d'un temps et d'un degré*. 


Ingrédients (pour 6 sandwiches) :

Pour la viande :
2 travers d'agneau fermier
20 gousses d'ail
3 c. à café de paprika 
1,5 c. à café de cumin
1,5 c. à café de curcuma
2 c. à café de coriandre
QS sel, poivre, thym et origan frais

Pour la sauce blanche :
2 yaourts grecs
1 belle échalote
1 citron
1 gousse d'ail
4 c. à café de mayonnaise
2 grosses poignées de feuilles de menthe
1 grosse poignée de feuilles de persil
QS lait entier, paprika, cumin, sel, poivre

Pour les pains pitas :
500 g de farine T65
4 c. à soupe d'huile d'olive
2 c. à café de sel
2 c. à soupe de sucre
20 cl d'eau tiède maximum (à utiliser petit à petit, jusqu'à obtention de la consistance souhaitée)

Préparation :
Eplucher une vingtaine de gousses d'ail et les faire confire à feu doux dans de l'huile d'olive jusqu'à ce qu'elles soient bien tendres. Les égoutter, les déposer dans une passoire et les écraser avec le dos d'une cuillère pour les réduire en purée. Gratter la pulpe passée à travers le tamis et la réserver. 
Désosser deux beaux travers (appelés poitrine ou épigrammes) d'agneau fermier de qualité en levant les os délicatement afin de préserver au maximum la chair.
Préparer un mélange d'épices avec 3 cuillères à café de paprika, 1,5 cuillère de cumin, 1,5 cuillère de curcuma, 2 cuillères à café de coriandre. 
Ciseler du thym et de l'origan frais.
Masser les morceaux de viande sur les deux faces avec la purée d'ail confit, saupoudrer du mélange d'épices sur les deux faces aussi, bien saler et poivrer, ajouter les herbes et un peu d'huile d'olive. 



Enfermer chacun des travers dans un film @Carta fata en formant une papillote que vous fermerez comme un bonbon avec des liens résistant à la chaleur.
Préchauffer le four en chaleur tournante à 75°. Déposer les papillotes sur une plaque en veillant à maintenir les extrémités en haut pour éviter les fuites de jus. (Cette opération peut être réalisée en sous-vide avec un thermoplongeur professionnel ou un four vapeur).
Mettre en cuisson 35 heures. A l'issue, réserver au frais jusqu'à 30 minutes avant le service.
Au moment du service, préparer de belles braises au barbecue ou préchauffer le grill du four à 280°. Sortir la viande des papillotes et la griller d'un côté et de l'autre jusqu'à obtenir une surface croustillante.



Préparer la sauce blanche en mélangeant deux yaourts grecs avec un demi-jus de citron, une échalote ciselée très finement, un peu d'ail pressé, 4 cuillères à café de mayonnaise, quelques pincées de paprika et de cumin, du sel et du poivre, deux grosses poignées de menthe et une grosse poignée de persil lavées et hachées le plus finement possible au couteau.  Allonger avec du lait, fouetter. Réserver au frais.

Préparer la pâte à pita (pain à kebab libanais ou grec, qui souffle au four à la cuisson).
Pour cela dans le bol du robot muni du crochet mélanger 500 g de farine T65 avec deux cuillères à café de sel. Ajouter 20 g de levure de boulanger fraîche délayée dans un peu d'eau tiède et additionnée de 2 cuillères à soupe de sucre, puis 4 cuillères à soupe d'huile d'olive. Ajouter un peu d'eau et mélanger intimement à la spatule, puis commencer à pétrir doucement. Ajouter l'eau au fur et à mesure jusqu'à obtenir une pâte ferme et collante (environ 5 minutes). Augmenter la vitesse de pétrissage d'un cran et pétrir une dizaine de minutes de plus, jusqu'à obtenir une pâte bien lisse. 
La décoller des bords, couvrir d'un torchon et laisser lever deux heures.
Au bout de ce temps écraser la pâte pour dégazer et la diviser en 6 pâtons que vous roulerez dans vos mains enduites d'huile d'olive. Les poser sur un papier sulfurisé de la taille d'une plaque à pâtisserie et les aplatir à la main en leur donnant une forme ovale, deux par deux. Recouvrir d'un torchon et laisser pousser à nouveau 20 minutes.
Préchauffer le four à 250° et enfourner pour quelques minutes (il vous faudra faire deux ou trois fournées). Quand les pitas ont gonflé et doré les retourner pour colorer l'autre côté. 
Après cuisson laisser tiédir et ouvrir en deux à l'aide d'un couteau. C'est prêt à garnir.

Tailler les oignons blancs finement à la mandoline, laver, égoutter et couper les feuilles de batavia en lanières, couper les tomates cerises en deux (ou les tomates en grosses lanières, en saison).
Découper la viande chaude en lanières, sa texture fondante vous aidera.


Garnir l'intérieur des pains de légumes mélangés, puis de sauce, de viande, à nouveau de sauce, et terminer par les légumes.

Et partir en voyage...

*Allusion à Brise marine de Stéphane Mallarmé