Pâté en croûte terre mer, ris de veau, foie gras et langoustines
Pâté en croûte : charcuterie pâtissière composée d'un pâté cuit dans une pâte feuilletée ou brisée.
C'est merveilleux cette idée de charcuterie pâtissière, c'est une invitation gourmande, une promesse d'amour heureux, la grâce d'une nappe blanche, l'éclat de couverts argentés sur une table de banquet. C'est la lame façonnée par le temps d'un couteau de cuisine sur les carreaux rouges d'une vieille toile cirée, le grès antique d'un pot de cornichons, les côtes craquantes d'une laitue pommée. Une entrée de mariage, un dîner de paysans... et l'instant suspendu où le fondant beurré se mêle en bouche au hachis épicé, à la gelée corsée, la surprise des morceaux aux fiançailles improbables, où le rustique d'un bout de cochon côtoie le soyeux d'un foie gras ou l'élégance de reine d'une langoustine nacrée.
C'est surtout le retour en grâce d'un des fleurons de notre gastronomie, de ces recettes qui prenaient le temps, aux gestes répétés, un rituel de cuisinière qui trouvait son accomplissement dans la première tranche coupée révélant le savoir-faire, les couches multipliées, la mosaïque charcutière au marbré chatoyant, et la fierté de la femme aux doigts usés déposant sa belle ouvrage au centre du plateau.
Il n'existe pas un pâté, mais de multiples variations sur une recette et une technique de base, toujours la même, dont je vous livre ma version, qui s'affine au fil des productions. Si l'hiver est traditionnellement celui des pâtés de gibier, je rêvais depuis l'an dernier d'un terre-mer. C'est cette recette que je vous propose, à vous de la réinventer, d'y mettre vos envies, poissons, crustacés, légumes ou champignons, en gardant toujours à l'esprit le goût et l'équilibre des produits.
Préambule
1) le moule est un élément capital dans la recette du pâté en croûte. Les plus habiles pourront réaliser leur pâté en croûte dans un moule à cake, mais un moule aux côtés amovibles, si possible perforé pour une meilleure cuisson de la pâte, vous facilitera grandement la vie (par exemple un moule GEO forme de de Buyer). Il représente un investissement, mais il vous le rendra au centuple.
2) le pâté en croûte c'est un équilibre entre une pâte étalée régulièrement, ni trop fine ni trop épaisse, des viandes hachées, mais pas trop finement non plus, mêlées à des morceaux plus gros, des inserts, et une gelée. Trop de gros morceaux et il manquera de moelleux, trop de hachis fin et il ne sera qu'un vulgaire pâté. Trop de pâte et il sera bourratif. Il faut donc être attentif à la fois à chaque étape de préparation et lors du remplissage.
Ingrédients (pour un pâté cuit dans un moule de 48 cm de long)
pour la pâte :
1 kilo de farine
550 g de beurre
4 oeufs plus 2 jaunes
15 cl d'eau
15 g de sel
1 jaune d'oeuf pour la dorure
pour environ 2 kilos de farce et d'inserts :
300 g de gorge de porc
500 g de quasi de veau
50 g de foie gras
50 g de foies de volaille
50 g de lard de Colonnata
1 foie gras surgelé déveiné de 450 g
400 g de ris de veau
20 grosses langoustines très fraîches (il est possible de les acheter avant, de les décortiquer pour ne garder que les queues, de les mettre sous vide et de les conserver au congélateur jusqu'à utilisation)
1 trait de vin blanc, 30 g de sel, 4 g de poivre, un peu de farine
pour la gelée :
1 litre de fond de veau maison filtré (naturellement gélifié) ou 1 litre de fond de volaille dans lequel on dissout 11 feuilles de gélatine or
éventuellement un peu de porto ou de vin blanc pour parfumer
Préparation :
La veille de la cuisson mélanger la farine, le sel et l'eau, ajouter les oeufs, bien mélanger, puis ajouter le beurre progressivement jusqu'à obtention d'une pâte homogène. La filmer en rectangle et la laisser reposer au réfrigérateur.
Si vous utilisez des viandes marinées (notamment pour les pâtés de gibier), préparer la marinade (alcools selon votre goût, vin rouge ou blanc, genièvre, girofle, thym, sauge, laurier, ail..) et déposer les viandes en morceaux dedans jusqu'au lendemain en réservant au frais. Dans cette recette j'ai juste mis une pointe de vin blanc au moment de mélanger.
Mettre à décongeler lentement le foie gras et éventuellement les langoustines.
Le jour J hacher au hachoir très grosse grille (ou au couteau très finement) la gorge, puis le quasi, puis les foies de volaille et le foie gras. Mélanger intimement en ajoutant un tout petit peu de farine pour lier. Ajouter le sel, le poivre, et un trait de vin blanc. Mélanger à nouveau et réserver.
Blanchir 5 minutes les ris de veau à l'eau bouillante salée. Les laisser refroidir et les débarrasser leur peau, leurs nerfs et des petits morceaux de cartilage. Les tailler en gros cubes.
Tailler le foie gras en bûchettes ou en tranches, selon le goût, l'idée étant de réaliser une couche régulière sur tout le pâté. Réserver sous film au frais.
Sortir la pâte du réfrigérateur, la laisser reprendre un peu de température pour pouvoir l'étaler.
Tailler un gabarit de la taille du moule ouvert à l'aide de papier sulfurisé, plus un gabarit de la taille du dessus du moule.
Etaler la pâte de façon régulière en grand rectangle et la découper en faisant dépasser le gabarit de 5 cm tout autour, sauf aux raccords des angles qui doivent être coupés net. Remettre au frais pour quelques minutes.
Déposer la pâte sur le moule, avec le sulfurisé, en visant juste. Remonter les parois en plaquant bien la pâte le long et fermer les glissières. Bien foncer la pâte le long des plaques, vérifier que les angles sont bien soudés.
Etaler le reste de la pâte en rectangle de la taille du haut du moule en dépassant le gabarit de 5 cm partout.
Rouler les chutes de pâte, les réétaler et faire des lapins, des cochons, des feuilles... à l'aide de petits emporte-pièce. Réserver.
Remettre le moule foncé (dont la pâte déborde) au frais ainsi que les motifs et le rectangle destiné à fermer le pâté pour une demi-heure.
Au bout de ce temps commencer le montage du pâté en étalant une couche de farce, les gros morceaux de ris de veau, le foie gras, une nouvelle couche de farce, les langoustines, et terminer par une couche de farce. Travailler régulièrement en évitant de laisser des trous. Donc tasser, mais sans excès non plus, de façon à pouvoir laisser un peu de place pour la gelée.
Déposer la plaque de pâte restante sur l'ensemble du pâté en la soudant bien avec les bords. Couper les surplus à ras les bords du moule. A l'aide d'un petit couteau tailler des incisions en biais sur tout le pourtour de la pâte en prenant bien ensemble les deux couches de pâte superposées (on appelle ça chiqueter) ou procéder avec une pince à chiqueter. Cela évitera que le pâté s'ouvre à la cuisson.
Déposer les motifs de façon décorative sur le dessus, et pratiquer quatre trous répartis régulièrement au centre avec un petit emporte-pièce. Tailler des anneaux d'un centimètre de diamètre plus grand que les trous, et les appliquer autour. Dans les cheminées ainsi faites insérer des rouleaux de papier aluminium du même diamètre, qui vous permettront de couler la gelée sans déborder après cuisson.
Battre le jaune d'oeuf avec un peu d'eau et l'étaler en couche fine au pinceau sur toute la surface apparente de pâte. Laisser sécher quelques minutes au frais. Recommencer l'opération trois fois.
Cuisson :
Préchauffer le four à 210° en chaleur tournante.
Enfourner le pâté en croûte, en insérant une sonde au centre du pâté (éventuellement en la passant par une cheminée), à mi-hauteur de l'épaisseur totale du moule.
Au bout d'un quart d'heure baisser le four à 150°.
Sortir le pâté lorsque la sonde atteint 55° à coeur (pour cette recette particulière, sur d'autres on pourra sortir à 50°). Trente minutes plus tard la température à coeur aura atteint 64° avec l'inertie.
Laisser tiédir un peu le pâté et commencer à couler la gelée, par petites quantités, dans chacune des cheminées. Dès qu'elle arrive au bord, arrêter, attendre que le niveau redescende, et couler à nouveau jusqu'à ce que le niveau ne bouge plus.
Laisser refroidir le pâté complètement, le recouvrir de papier alu (ne pas ôter les cheminées), et réserver au réfrigérateur jusqu'au lendemain matin. Le lendemain, réchauffer un peu la gelée restante et la couler à nouveau dans le pâté comme indiqué précédemment. Filmer le pâté et le garder au frais durant au moins deux jours supplémentaires avant de déguster.
Dressage :
A l'aide d'un couteau scie trancher délicatement l'entame du pâté et découvrez les couches superposées qui en font une oeuvre unique.
Couper des tranches régulières. Servir à l'assiette avec une salade, des caprons, un oignon nouveau émincé finement à la mandoline... (les pâtés de gibier peuvent s'accompagner d'une réduction de fond de gibier montée au sang avec un trait de vinaigre de barolo, pour donner de la brillance).
NB : Ce pâté se conserve au frais, filmé, trois jours après la première découpe. Vous pouvez aussi le trancher, mettre les tranches sous vide et les congeler, pour une consommation ultérieure.
S'il vous reste de la pâte, ne la jetez pas, elle servira à faire un excellent fond de tarte salée ou de tourte.