Poireaux sauvages en omelette




C'est un petit bulbe de rien du tout. Pas snob pour deux sous, à l'air un peu cabossé. Qu'un Parisien en goguette dans un coin de province ne s'abaisserait pas à regarder. "Un p'tit bonheur que j'avais ramassé. Il était tout en pleurs sur le bord d'un fossé. Quand il m'a vu passer il s'est mis à crier :
Madame, ramassez-moi, chez vous amenez-moi. Mes frères m'ont oublié, je suis tombé, je suis malade. Si vous n'me cueillez point, je vais mourir, quelle ballade ! Je me ferai petit, tendre et soumis, je vous le jure...*"



Dans le Sud-Ouest on l'appelle barragane ou poireau des vignes. On le trouve entre les ceps (attention cependant à éviter les coins où le raisonnable a déserté l'agriculture, en raison des traitements, mais la conversion de plus en plus importante au bio ou à la biodynamie permet de les récolter à nouveau), ou dans la garrigue, au début du printemps et de l'automne, au moment du regain. Il faut les cueillir jeunes, sinon ils deviennent durs et fibreux, en tirant doucement les tiges frêles pour ne pas les casser. Ils révèlent une base renflée, recouverte de petites excroissances, un peu comme les racines de muguet (qui, elles, sont toxiques). Une fois secoués pour les débarrasser de l'excédent de terre, il suffit de les laver délicatement et de les tailler en ôtant une partie du vert.
Avant d'embarquer pour des saveurs à la fois fines et puissantes, qui ravalent le poireau de culture au rang d'insipide et font de ce modeste poireau un mets de roi.
Traditionnellement on les cuit dans l'eau bouillante et on les sert en vinaigrette ou en accompagnement d'un poisson ou d'une grillade, en conservant le bouillon de cuisson extrêmement parfumé pour une autre utilisation. Mais ma préférence va aux oeufs, omelette ou brouillade, qui leur offrent un écrin de choix.



Ingrédients (pour 4 personnes) :
Une vingtaine de poireaux de vigne
8 oeufs
QS sel, poivre, huile d'olive, beurre

Préparation :
J'aime beaucoup la cuisson que j'utilise pour les poireaux de vigne, qui leur confère du fondant sans les gorger d'eau, tout en gardant bien plus de goût qu'une cuisson vapeur.
Nettoyer les poireaux soigneusement en éliminant toute trace de terre. Tailler les tiges en éliminant la partie dure du vert, couper les radicelles.
Déposer les poireaux dans une sauteuse avec un peu d'huile d'olive, sel, poivre, et trois à quatre cuillères à soupe d'eau. Couvrir avec un papier sulfurisé et laisser cuire à feu doux jusqu'à ce que le coeur des poireaux soit tendre (la lame du couteau doit rentrer sans peine) tout en restant un peu ferme.
Battre les oeufs en omelette après les avoir cassés dans un récipient.
Faire fondre un morceau de beurre dans une poêle chaude. Dès qu'il mousse ajouter les oeufs, baisser le feu et commencer à faire prendre. Ajouter les poireaux, continuer la cuisson tout en veillant à garder les oeufs baveux. Servir immédiatement.

* Le petit bonheur, Félix Leclerc