Les chinoiseries de Madame Pang


Il est des lieux où l'on s'abandonne. Évoquant comme un ressac une lointaine villégiature où l'on est heureux de revenir. Qui nous ramène à un ailleurs imaginaire tissé de rêveries intimes et de romans d'aventures. Atmosphère irréelle faite de boiseries luisantes encadrant des tentures de soie, soirées feutrées où se croisaient des femmes élégantes et des messieurs en smoking, dans les volutes bleutées de cigarettes anglaises, quelque part au bord du Mékong, dans une rue sombre de Macao ou un palace de Saïgon, au cœur des années 50-60 de cette Indochine qui bruissait encore de fêtes raffinées. Madame Pang est de ceux-là.

 


 

Peut-être est-ce l'ambiance, l'éclairage tamisé, une petite musique dans l'air*,  le regard brillant de ceux venus siroter un cocktail autour de quelques dim-sum, une certaine idée du bonheur au cœur de Bordeaux. C'est sans doute là qu'il faut chercher l'explication d'un succès qui ne se dément pas tous les soirs depuis l'ouverture, il y a trois ans, du mardi au dimanche. Le maître des lieux, Jérôme Billot, qui a vécu plusieurs années à Hong-Kong, avait depuis longtemps l'idée de ce bar à chinoiseries, comme j'aime à le nommer en clin d’œil à la carte.

 

Séduit par la convivialité de ces bouchées traditionnelles à partager, présentées dans des paniers vapeur, dim-sum, nems et autres ravioles, apportées toutes ensemble sur la table, il a imaginé les adapter à nos palais occidentaux, les twister d'autres influences, à mille lieues de l'image convenue d'un restaurant chinois que Madame Pang n'est absolument pas. Esprit lounge d'un bar à manger faisant la part belle à des cocktails originaux et réussis, jolie carte des vins, bières et sakés, permettant de voyager et s'adressant à tous les budgets, mix and match d'une cuisine audacieuse qui cache bien son jeu derrière une apparente simplicité... c'est un peu tout ça Madame Pang, et c'est furieusement moderne.


Produits de saison, jeux de textures allant des tempuras aux bouchées vapeur, des nems aux dim-sum, du bœuf relevé au poulet croustillant, condiments pensés avec intelligence, qui apportent d'autres saveurs, étonnent et détonnent, sauces et épices, salé sucré... le credo de la carte, imprimée sur papier kraft où l'on coche ses préférences, est le plaisir. Avec mine de rien beaucoup de créativité et de travail, et un zeste de magie.

 


  
Si les petits nems crevette menthe nuoc mam, délicieux, les tempuras de légumes et le crab cake coriandre citron vert en boulettes, le poulet craquant, parfaitement exécutés, restent sur des rivages connus, les ravioles crevettes et citron confit (un must), le bœuf relevé et fumé (divin), les bouchées cochon, truffe et floss (avec de la vraie truffe, pas des arômes, et toc !), les si originales ravioles de canard laqué, hoisin et olives, relèvent de la divine surprise. Faux classicisme derrière lequel on trouve une démarche, un travail sur les goûts, sans interdit, un jeu de gammes sur les saveurs où chaque association est pensée, construite. Piquant, fumé, aigre-doux, ça swingue et ça pulse dans les paniers et sur les papilles.

 

 

Le sucré n'est pas en reste, avec un bluffant choocoolek, ganache onctueuse et sésame noir, qui donne envie à jamais d'envisager la tarte au chocolat autrement.

 

Je vous laisse, il me semble avoir vu passer une jeune fille avec un feutre d'homme et des chaussures dorées*. Et là-bas... James/Sean** sirotant un Madam's Favorit, LE cocktail de la maison, entorse obligée à son Vodka Martini...



* le dimanche soir Madame Pang vous invite à de la bonne musique avec the Gang Pang



**    L'amant, Marguerite Duras
** *James Bond/Sean Connery, Doctor No

Madame Pang
Bar cosy et branché à dim-sum, d'inspiration hong-kongaise
16 rue de la devise
33000 Bordeaux
05 56 38 47 13
madamepang.com
Ouvert du mardi au dimanche, et bientôt tous les jours, le soir à partir de 19h00, pas de réservation

Le replay de l'émission On Cuisine Ensemble du 4 mars 2020 sur France Bleu Gironde, où je vous parle de Madame Pang