Sam suffit !
J'ai toujours été fascinée par la poésie dérisoire des petites maisons du bassin, ces bicoques ouvrières au toit pointu orné de dentelle de fer. Elles racontent l'histoire de leurs occupants, au travers d'un patronyme de pierre soigneusement choisi : prénom de femme, de fleur ou d'oiseau... Elles disent aussi la fierté d'avoir pu accéder à la propriété de ces petites gens, leur bonheur simple : ce fameux sam suffit ou d'autres jeux de mots aussi touchants que drôles.
Aujourd'hui réhabilitées, elles ont de la superbe avec leurs jardins pimpants, leur grille sans prétention, un camélia croulant sous le poids de sa descendance.
Les plus émouvantes, restées dans leur jus, volets défraîchis, murs lézardés et rideaux désuets aux fenêtres sans âge, trahissent les années de leur propriétaire, courbé sur une plate-bande malingre, accroché à leur beauté passée, refusant de voir la ruine du temps qui passe au fond de ses yeux usés, tentant de retenir la vie et les jours heureux dans l'odeur fade des résédas.*
*allusion au poème de Verlaine, après trois ans, les résédas étant un lom courant sur ces maisons.