Risotto truffe noire. Révisons nos classiques !


Avec la brouillade, le risotto est sans doute l'accord ultime pour la truffe noire. Et même si la porte s'est refermée pour moi, si la truffe noire ne reviendra que l'année prochaine (si tout va bien), le feu d'artifice s'est achevé en un bouquet si somptueux que je me devais de vous le faire partager. L'occasion aussi de revenir sur une recette de base, celle du risotto -ce miracle de la cuisine italienne qui s'accorde de tout au gré des saisons et des paniers. Il peut même se suffire à lui-même tout en restant sublime, ce qui est extrêmement rare pour une céréale utilisée comme base de l'alimentation et considérée comme un légume d'accompagnement. 
Ôtez la truffe, il vous reste le secret qui ravit le coeur des hommes, Italiens ou pas, le tour de main de la mamma, l'art de transformer une simple assiette de riz en plat gastronomique, à l'improviste, rien qu'en faisant le tour de ses placards. 

Pour réussir un tel tour de force il y a quelques règles à retenir.
Règle n°1, le choix du riz. Un riz italien, voire camarguais ou espagnol, mais toujours un riz rond, qui a la capacité d'absorber le bouillon durant toute la cuisson, devenant onctueux tout en restant ferme. Il y a plusieurs variétés, les plus connues étant l'arborio, le vialone nano et le carnaroli, mon préféré. L'arborio est le plus facile à trouver, il donne un risotto crémeux, mais gare à sa qualité car ses grains se brisent facilement, le vialone nano, aux grains plus petits et ronds, très crémeux, est parfait avec les poissons. Quant au carnaroli, aux grains plus longs, il se tient mieux à la cuisson tout en absorbant parfaitement le bouillon. Il a les faveurs des amateurs.
Règle n°2, le choix du riz. Et là je parle marque et prix. La qualité se paie, et l'origine aussi. Alors évitez les riz de supermarché, de marque nationale ou distributeurs, indiquant en général sur le paquet riz à risotto. Préférez les marques italiennes, les indications premium, en épicerie fine. Il y a une bonne raison à cela : le riz à risotto de moindre qualité contient souvent des grains cassés, ce qu'il faut éviter absolument. En effet, l'amidon contenu dans les grains s'échappera à la cuisson et donnera un résultat collant.
Règle n°3, ne jamais laver le riz pour la cuisson du risotto. En effet, le principe du risotto est d'obtenir une préparation crémeuse et onctueuse. Mais il ne s'agit pas de surcuire le riz, qui reste ferme à coeur. C'est juste en surface qu'il absorbe le bouillon, et c'est l'amidon présent en surface qui épaissit le bouillon et lui donne cette texture crémeuse. Si vous le lavez vous retirez une partie de cet amidon et vous n'obtiendrez jamais la bonne texture. Capito ?
Règle n°4, le récipient de cuisson. Il faut absolument une sauteuse de taille proportionnelle à la quantité de riz à cuire. En effet, si le riz est en couche trop épaisse, il va cuire davantage au fond de la casserole et le résultat ne sera pas homogène. Il faut donc que la couche de riz s'étale en couche peu épaisse au fond de la sauteuse afin d'absorber régulièrement le bouillon.
Règle n°5, le bouillon. On oublie absolument le bouillon cube. Cette règle est vraie pour tout d'ailleurs. Allez donc jeter un coup d’œil sur sa composition, et revenez me voir après, qu'on en discute ! A l'extrême rigueur, utilisez le bouillon de volaille en sachet Ariaké, dont la composition est naturelle et qui reste un compromis acceptable. Mais de grâce, faites vos bouillons vous-même, rien n'est plus simple. La préparation cuit toute seule, il suffit de la filtrer et de la congeler en portions pour une utilisation ultérieure.
Règle n°6, le bouillon doit être chaud. Vous avez l'impression que j'enfonce des portes ouvertes. Je voudrais bien, mais c'est souvent une source d'échec de ce plat. Le bouillon doit être bien chaud tout au long de la recette sinon il va refroidir le riz et empêcher sa cuisson.
Règle n°7, le parmesan. Là encore choisissez un fromage de qualité, pas trop sec, que vous râperez à la minute. Alors on oublie définitivement le parmesan râpé ou en copeaux épais vendu sous plastique au rayon fromages du supermarché -vous savez, celui qui noie le carpaccio dans les restaurants à touristes, dur, sans goût, à la texture de carton bouilli.
Règle n°8, on ne cuisine pas le risotto à l'avance parce qu'il ne se réchauffe pas. Ce n'est pas tout à fait exact*, il y a une astuce pour assurer la première partie de la cuisson (juste la première partie, hein), mais personnellement je la trouve casse-pied à mettre en oeuvre pour un particulier (il faut congeler le riz cuit aux deux-tiers durant 15 minutes, puis le filmer et le garder au froid, et terminer la cuisson à la minute) et je n'y vois pas d'intérêt dans la mesure où le risotto est le plat de partage et de convivialité par excellence, celui qui réunit tous les convives dans la cuisine, assistant émerveillés à la magie qui s'opère.
Et s'il vous reste du risotto de la veille, ne cherchez pas à le réchauffer, mais faites-en des arancini : des boulettes dans lesquelles vous mettrez un peu de mozzarella et éventuellement des restes de viande cuite. Panez-les et faites-les frire jusqu'à ce qu'ils soient bien dorés.

Passons aux choses sérieuses, on se le fait ce risotto à la truffe noire !


Ingrédients (pour 4 personnes)
200 g de riz rond italien à risotto, de type carnaroli (mon préféré) ou arborio
30 à 40 g de truffe noire (Tuber melanosporum) bien mûre
1 verre de vin blanc sec bien froid
1 litre de bouillon de volaille
1 oignon
1 gousse d'ail
1 morceau de parmesan
QS sel, huile d'olive, beurre

Préparation :  
Eplucher et ciseler l'oignon. Le faire suer sans colorer dans une casserole avec un peu d'huile d'olive. Ajouter le riz et continuer à faire suer pendant une à deux minutes, jusqu'à ce que le riz nacre (c'est-à-dire qu'il devienne translucide).
C'est l'étape la plus délicate de la préparation du risotto, le riz ne doit pas "griller", sinon il n'absorberait plus le liquide.
Verser alors le vin bien froid afin d'arrêter la cuisson. Rajouter la gousse d'ail écrasées au presse-ail, et continuer la cuisson, toujours à feu doux, en remuant régulièrement.
Quand le vin est presque entièrement absorbé, ajouter une petite louche de bouillon chaud que le riz va absorber complètement, saler légèrement. Répétez cette opération jusqu’à ce que le riz soit cuit et encore un peu ferme sous la dent (environ 15 à 18 minutes de cuisson en tout). Rectifier l'assaisonnement en prenant garde de ne pas mettre trop de sel (le bouillon est naturellement salé et le parmesan aussi).
Ne soyez pas tenté d'augmenter le feu pour aller plus vite : le risotto doit cuire lentement sinon il deviendra gluant.
En fin de cuisson, dès que vous constatez que le riz n'absorbe plus beaucoup le bouillon (goûtez et regardez, c'est important de rester devant la sauteuse), ajouter une grosse noix de beurre froid, qui va stopper la cuisson, et apporter de l'onctuosité. Râper les deux-tiers de la truffe à la râpe Microplane à gros trous et incorporez-la au risotto.


Ne surtout pas la mettre avant, la température de cuisson lui ferait perdre tous ses arômes. Terminer en râpant des copeaux de parmesan finement à l'aide d'une râpe Microplane à lames, puis le morceau de truffe restant en copeaux avec la même râpe.


Dressage : 
Il suffit d'une assiette creuse en son centre. Cuillère ou fourchette, c'est à vous de voir.

Voilà, vous savez tout sur le risotto, je vous laisse imaginer ce que vous allez en faire : aux cèpes, aux morilles, aux champignons de Paris, au foie gras, aux oursins, aux Saint-Jacques, à la lotte, au saumon, à la sole, au poulet, aux ris de veau, au wagyu, aux asperges, aux petits pois, au potimarron... C'est à vous, prenez le pouvoir !

* Retrouvez tous les petits trucs sur le riz et le risotto, mais pas que, dans l'excellent ouvrage d'Arthur Le Caisne, Pourquoi les spaghetti bolognese n'existent pas, chez Marabout.