Filets de sole, crème de moules, coquillages et champignons de Paris
Qu'il est bon et rassurant de céder au classicisme. De se laisser porter vers des rives sans danger, s'accrochant aux branches du souvenir. Pas de facilité, non, juste des certitudes, la réminiscence d'avoir été choyé -tout cet amour dans le fond d'une assiette, doux et enveloppant comme cette sauce aux parfums de mer. Déjà avant, le fumet qui enveloppe la pièce, les coquillages s'ouvrant au feu, minuscules Jack in the casserole, les filets blancs pochés lentement, appelant une autre blancheur. Celle du champignon qu'on citronne avec des gestes d'automate. Et celle encore de la nappe lourde aux initiales si patiemment brodées... Les nappes disparaissent peu à peu des tables, trop empesées, trop old school. La facilité et l'aveuglement de l'époque aussi : plus de tissu plus de tache. C'est oublier la sensualité du tissu sous les doigts impatients et la beauté pure de cet immaculé. Comme une promesse d'éternité...
Ingrédients (pour 4 personnes) :
2 belles soles à filet
750 g de moules de bouchot
4 poignées de coques
4 gros champignons de Paris à farcir
2 échalotes
1 citron
1 grand verre de vin blanc
QS beurre, sel, poivre
Préparation :
Lever ou faire lever les filets de sole, garder les arêtes. Nettoyer les moules, faire tremper les coques dans de l'eau froide salée pour qu'elles rendent leur sable.
Ciseler une échalote. La faire suer avec un peu de vin blanc dans une grande casserole. Ajouter les moules et chauffer à feu vif jusqu'à ce qu'elles soient bien ouvertes. Egoutter dans la casserole, décoquiller. Réserver les 16 plus belles.
Filtrer le jus de moules et le reverser dans une autre casserole.
Ouvrir les coques à feu vif dans une casserole. En réserver 8 avec la coquille, décoquiller le reste. Filtrer le jus obtenu et le rajouter à celui des moules.
Concasser les arêtes de sole et les déposer dans la casserole avec le jus des coquillages, ajouter la deuxième échalote ciselée, et couvrir d'eau un peu plus qu'à hauteur. Porter à ébullition et laisser réduire d'un tiers pour obtenir un fumet.
Plier les filets de sole en trois sur eux-mêmes. Les déposer au fond d'un sautoir beurré et poivré. Verser le fumet filtré encore chaud, le vin blanc, couvrir d'un papier sulfurisé au contact. Faire pocher lentement à frémissement durant 5 à 7 minutes en retournant les filets à mi-cuisson. L'important est de ne pas bouillir le liquide, ce qui durcirait irrémédiablement le poisson. Surveiller la cuisson au doigt, les filets doivent être pris (blancs opaques sans transparence) tout en restant souples sous la main. La durée de cuisson varie en fonction de l'épaisseur des filets. Ne surtout pas surcuire, c'est le secret.
Couper le feu. Egoutter et filtrer le fumet, laisser les filets couverts du papier dans le fond de la sauteuse. Si vous réalisez cette étape longtemps avant le service, maintenir au chaud à 60° sur un bain-marie.
Réduire le fumet de moitié, le crémer et ajouter les moules décoquillées. Mixer finement et passer au chinois pour obtenir un velouté. Le chauffer à nouveau à ébullition et monter au beurre pour faire une émulsion. Saler, poivrer.
Nettoyer et éplucher les champignons, en couper trois en quartiers, les citronner et les pocher dans un fond d'eau.
Dressage :
Verser la crème de moules dans le fond des assiettes creuses, déposer deux filets par personne, quelques moules et coques décoquillées, les champignons cuits. Passer le dernier champignon à la mandoline pour obtenir des lamelles fines. En déposer quelques-unes sur les assiettes ainsi que deux coques avec coquille.
NB : il s'agit là d'une version libre adaptée des très classiques filets de sole à la Dieppoise, dans lesquels les moules ne sont pas incorporées à la sauce. On pourrait y ajouter quelques crevettes grises.