Aimez-vous la pizza ?


C’aurait pu être le titre d’un bouquin de Sagan. Ce fut celui d’un roman de gare d’Exbrayat. Et la question pourrait faire sourire tant ce plat est symbole de l’universalité, un fil culinaire qui relie les hommes à l’instar de ceux de la mozzarella qui le recouvre. Encore faut-il s’entendre sur ce qu’est une vraie pizza. Comme chaque fois, tout est question d’ingrédients, de qualité des produits, et de maîtrise de la cuisson. Mais avant tout, la pizza c’est une pâte, et c’est toujours ce qui fait la différence. 


J’entends déjà sonner les cloches de ceux-là qui l’aiment fine, croustillante, et d’autres qui la veulent épaisse, moelleuse et gonflée. Les gloutons qui l’avalent à toute vitesse, les dédaigneux qui laissent le “trottoir”. Les aventuriers qui l’arrosent d’huile pimentée aux risques et périls de leur système digestif. Les  champions du rouge contre ceux du blanc, tomate ou crème for ever. Les végé qui ne jurent que par l’artichaut et les champignons vs. les viandards guettant le prosciutto, le speck ou le steak haché. Les marginaux autoproclamés du saumon fumé ou du reblochon, et les iconoclastes, tendance born in the USA qui révèrent l’ananas.
Vous l’aurez compris, la pizza c’est une affaire sérieuse, pas de celles dont on cause sur un coin de table. Elle a ses traités et ses championnats. C’est pourquoi je suis allée à la source chercher le secret de ce drôle de plat populaire napolitain célébré dans le monde entier : c’est-à-dire là où l’on fait les meilleures pizzas que je connaisse -et mes origines italiennes font de moi une redoutable testeuse- chez CAPPERI, rue de la Cour des Aides à Bordeaux.
Des articles élogieux dans les magazines nationaux, quelques tables complètes des jours à l’avance et la queue sur le trottoir pour venir chercher les précieuses galettes sont un bon indice de la popularité de ces Siciliens passionnés qui ont réalisé leur rêve : préparer des pizzas gourmandes, saines, et respectueuses de l’environnement. De l’huile d’olive aux pistaches et amandes de leur production familiale, en passant par la charcuterie artisanale, les tomates de San Marzano ou le pesto maison, sans oublier les fromages (mozzarella di bufala, burrata, parmigiano reggiano, ou ricotta affumicata…, tous de production artisanale également).
Mais si la garniture est le toit qui couvre la maison, la fameuse pâte en est le précieux socle, là où tout commence.
Chez Capperi on ne fait pas les choses à moitié. Blés anciens moulus à la meule de pierre, levain naturel, pour une galette aux arômes uniques, presque un gâteau. Et pour prolonger le sens de sa démarche, Bartolo Calderone a choisi il y a quelques mois de mettre son savoir-faire au service des autres, professionnels et particuliers, en ouvrant juste en face un centre de recherche appliquée aux farines, aux cultures et à la biodiversité, ainsi qu’une école professionnelle de pizza et de panification naturelle.
C’est donc tout naturellement que je suis allée assister à l’un de ses cours afin de tenter de maîtriser l’art de la pizza.


Et prendre un cours avec Bartolo, au-delà de l’apprentissage, c’est aussi partager un moment de convivialité exceptionnel, d’échange et de découvertes gourmandes (comme ce piacentinu ennese, pecorino sicilien au safran que je ne connaissais pas).
Patient et très pédagogue, Bartolo nous a expliqué ce soir-là le levain, les différences avec la levure boulangère, les réactions de la fermentation sur le mélange de farine et d’eau, le pourquoi des blés et de leur raffinage, levant avec la grâce de son accent un coin du voile sur cette source de vie commune au pain et au vin.




Nous l’avons écouté, interrogé, et puis… nous avons mis la main à la pâte. Battu, pétri, boulé. Laissé reposer. Appris le pesto rosso aux amandes et le coulis -classiques tomates ou surprenantes carottes/safran. Les caractéristiques des différentes mozzarellas, fior di latte, bufala et burrata.  Avant d’étaler nos pâtons et de les garnir de nos envies.
La recette adaptée à nos équipements ménagers est partie en cuisson avec une première couche de garniture, tandis que nous goûtions aux saveurs rares de l’Italie et aux vins qui rendent joyeux.
Une deuxième garniture plus tard, les pizzas étaient prêtes. Nous avons scruté la structure de la pâte, entre moelleux et doré, observé la différence avec la cuisson au four à pizza. Touché du doigt l’essence du pain.
Fini la soirée autour d’un tiramisu tout en finesse et légèreté. Avant de repartir avec un pot rempli de levain. Fiers et soudain graves, conscients de tenir dans nos main un petit bout de vie sur lequel veiller, pour faire à notre tour les gestes immémoriaux. Les yeux pleins du sourire lumineux de Bartolo.


L’école de Capperi propose bien d’autres découvertes, des ateliers pâtes italiennes, tiramisu, et bientôt, ai-je ouï dire, un atelier de panification. Une belle idée à découvrir ou, pourquoi pas, à offrir pour les fêtes.

Capperi Pizzaioli
3, rue de la Cour des Aides
33000 Bordeaux
05 56 90 93 05
capperi.fr
Programme des ateliers et réservation sur le site