C'est l'printemps, bonjour, bonjour le navarin


L’agneau est indissociable de Pâques. S’il trouve sa signification dans les Ecritures, sa présence à la table pascale tombe bien, et même très bien puisqu’avril est la saison de l’agneau de lait, à la saveur douce et élégante, à la chair pâle et subtile, au goût de noisette, tendre et moelleuse. C’est aussi celle des jeunes légumes au vert tendre qui sortent de terre après le long hiver, sonnant les cloches du renouveau, et pas seulement à Rome.
C’est aussi le souvenir de repas mémorables, où tonton débouchait son meilleur Bordeaux pendant que mémé se lamentait sur la cuisson du gigot qui avait pris un coup de chaud à mesure que l’apéritif s’éternisait, de matins joyeux où l’on cherchait les oeufs dans les jardins, avant d’aider à écosser les petits pois -mondes minuscules et sucrés qui roulaient dans le creux de la main, sous l’oeil bienveillant de l’aïeule aux joues roses et aux cheveux blancs.

En souvenir de cette grand-mère coincée devant ses fourneaux, qui avait suffisamment souffert des incartades d’un Escartefigue amateur de pinard qui rebâtissait le monde entre deux verres, il était temps de rendre le pouvoir à la cuisinière, avec une recette “easy to make”, sans stress, qui prenne le temps d’attendre les convives : le navarin.


Des morceaux goûteux sans se ruiner, allant du collier à l’épaule, en passant par les côtes, la poitrine ou le jarret, des petits légumes choisis au hasard des étals des maraîchers, suivant la date, le lieu et la météo : premières pommes de terre, carottes et navets nouveaux, asperges, radis, fèves ou petits pois, oignons, aillets, comme il vous plaira. L’important est que ce soit frais, de prendre le temps de laisser mijoter, et surtout le grand secret, commun à beaucoup de ces recettes conviviales : le JUS !


Ingrédients :
Pour le fond d’agneau, parures d’agneau (os, bas morceaux), carottes, navets, oignons nouveaux, voire cosses de petits pois, quelques gousses d’ail, thym, laurier (le truc en plus : utiliser les épluchures propres des légumes nouveaux)

Pour la viande, de l’agneau de lait, fermier, si possible de petite production (signe de qualité), à choisir dans le collier, jarret, côtes découvertes, poitrine, épaule coupée en gros morceaux, en fonction du nombre de convives

Carottes nouvelles, navets nouveaux, pommes de terre nouvelles, radis roses, une botte d’asperges vertes (ou des pointes si vous en trouvez), fèves ou petits pois, deux bottes d’oignons nouveaux, une botte d’aillet, trois à quatre gousses d’ail, deux grosses échalotes.

Préparation :
Le plus long et le plus important réside dans la confection du fond d’agneau, qui va permettre la cuisson de la viande et la réalisation du jus. En effet, si vous mettez votre viande à cuire dans de l’eau, avec quelques légumes, la nature ayant horreur du vide, il va s’opérer un transfert (par l’intermédiaire des sucs et des sels minéraux…), de la viande et des légumes vers l’eau. Cela s’appelle l’osmose. En fin de cuisson vous aurez donc un bouillon magnifique, corsé à souhait… et des morceaux de viande et de légumes très fades. Il faut donc préparer ce bouillon avant la cuisson proprement dite, afin de préserver les saveurs.
Eplucher les légumes du navarin après les avoir lavés, garder les parures et y ajouter deux carottes coupées en rondelles, quelques oignons nouveaux, quatre gousses d’ail, quelques branches de thym et une feuille de laurier. Dans un grand faitout, faire revenir à feu moyen à fort dans l’huile les parures de viande (les os et quelques bas morceaux), sans remuer (il faut que les morceaux accrochent un peu au fond du récipient, sans brûler. Ajouter les légumes et les parures de légumes, poursuivre la cuisson quelques minutes et couvrir d’un grand volume d’eau. Si vous avez le temps, laisser infuser à la limite de l’ébullition sans jamais bouillir, durant trois à quatre heures, sans couvrir. Sinon, porter à petite ébullition, sans couvrir, durant deux heures, en veillant à ne pas trop diminuer le volume de liquide. Au bout de ce temps, vous aurez obtenu un fond d’agneau maison. Filtrer à la passoire.

Tailler la partie basse des carottes en bâtonnets. Garder le haut pour la garniture. Faire revenir les morceaux d’agneau dans une cocotte en fonte avec un peu d’huile, pour les faire dorer de tous les côtés. Ajouter les bâtonnets de carottes, les échalotes et l’ail épluchés, faire suer quelques instants et verser le fond d’agneau filtré sur l’ensemble (il doit recouvrir aisément le tout). Cuire à feu doux deux heures à deux heures et demie, avec le couvercle. La viande ne doit pas bouillir. Cette opération peut être réalisée la veille.

Trois-quarts d’heure avant le service, remettre si besoin la viande à chauffer doucement dans le bouillon. Une demi-heure avant, cuire les légumes séparément à l’anglaise (eau bien salée) jusqu’à ce qu’ils soient tendres. Commencer par les carottes, puis ajouter les pommes de terre et les navets. Cuire les oignons et les aillets quelques minutes avant la fin. Cuire les radis à part car ils rendent de l’eau (quelques minutes suffisent). Glacer le tout dans une casserole avec un peu de bouillon additionné de beurre pour donner de la brillance. Réserver.
Pour les tiges d’asperges (garder les corps pour une autre recette), les petits pois et les fèves après écossage, réaliser une cuisson à l’anglaise, dans l’eau bien salée, quelques minutes. Vérifier en goûtant ou à la pointe du couteau. Rafraîchir dans l’eau glacée pour fixer la couleur (les fèves nécessitent de retirer la peau qui les entourent, c’est un peu long). Réchauffer à la minute dans un peu de liquide de cuisson. Pendant ce temps, égoutter les morceaux de viande et les réserver au chaud (à couvert dans un four à 50°).
Filtrer à nouveau le liquide de cuisson, en prélever une partie ou le tout suivant le nombre de personnes à table, et réduire à gros bouillons jusqu’à obtenir un liquide sirupeux (demi-glace). Surtout ne pas saler (les sels minéraux des légumes et la réduction suffisent). Eventuellement monter au beurre froid.