Inspiration, respirations : Alexandre Mazzia et David Toutain à quatre mains chez AM


Vendredi soir sur la terre. En route pour une série de photos. Alexandre Mazzia sur l'écran radio de ma voiture. Serait-ce possible alors 😉? Cadeau du ciel, magie, sorcellerie ? Alexandre et David Toutain demain chez AM, et j'y serai. Marseille, j'arrive !!!
Première d'une série de rencontres, il s'agit pour Alexandre Mazzia d'une véritable réflexion sur le parcours créatif en cuisine. Le thème du soir : la texture.

Entre inspiration et respirations croisées, récit d'un dîner à quatre mains avec Alexandre Mazzia et David Toutain.

20H10. Dans la vitrine illuminée le restaurant se remplit peu à peu. Entrer en pèlerinage. S'installer à la table qui nous est destinée, pleinement consciente de notre chance. Rejoindre Alexandre Mazzia au comptoir. Découvrir David Toutain -l'identi-T rêvée. Avoir l'impression de flotter à 50 cm du sol. Juste là, merveilleusement bien.


20H20. Le champagne est le vin qui accompagnera le mieux le ballet des assiettes promises. Bulles fines et légères d'un champagne de vignerons, Serge Mathieu en l'occurrence.
20H30. Que la fête commence ! Salsifis, panais, chocolat blanc. Deviner les branchages entrelacés. Découvrir un sublime légume racine et se demander comment un jour les salsifis ont pu être un plat de cantine. Le chocolat blanc, découvert sur un précédent déjeuner chez AM, fait décidément merveille sur le salé.


Biscotte végétale. Une des signatures d'Alexandre. Je ne m'en lasse pas.

Oeufs de truite, lait fumé, noisette. Note légère du saké dans lequel ont mariné les oeufs. Equilibre parfait.

Betterave, mûre acide. Surprise d'un oignon pickle au détour de l'assiette. Trait de génie d'un crumble-terre de betterave qui dit bien son nom. Bluffant David Toutain...

Anguille fumée, chocolat. Notes d'ail, d'herbes, pain au charbon. Inattendu et gourmand. On en redemanderait. Ça tombe bien, Alexandre Mazzia nous a préparé un petit bonus. Moment de grâce.

Intermède avec le pain viennois fumé au charbon, beurre demi-sel au combawa d'Alexandre. Une autre idée du pain et du beurre.

Allers-retours en cuisine et au comptoir pour vivre le dressage, la tension et la complicité entre les équipes mêlées. Scruter les boites transparentes -herbes rares, pousses et fleurs comme autant de promesses. Saisir un regard, un sourire, capter les gestes. Fixer les mains, posées ou fébriles, qui révèlent mieux que tout la personnalité des chefs. Retenir sa respiration.

Oeuf, maïs, cumin, LA SIGNATURE de David Toutain. Un grand plat. Le jaune d'oeuf chauffé à 61° dans sa coquille. Crème de maïs, caramel de cumin. Aller à l'essentiel. Quand le mot cuisine devient superflu...

Saint-Jacques, topinambour, petit lait. Et truffe noire. La noix cuite dans sa coquille. Gastrique -vinaigre de cidre, beurre clarifié. Envisager la truffe autrement. Ouvrir des horizons.

Pistes, carottes, voile de manioc, lait de poule monté au mirin et au cumin, beurre noisette. Là encore l'équilibre sur un fil, l'étonnement au détour d'une bouchée.

Loup de mer floral, carotte-orange. Subtilité d'un accord poisson fleurs du moment, douceur de la carotte et de l'orange avec une pointe d'acidité qui révèle l'ensemble. Oublier tout ce que j'ai appris. Définitivement. Merci David.

Anguille, sésame noir. Le poisson snacké. La cuillère qui plonge et découvre des dés de pomme qui ramènent de la fraîcheur. Bonheur.

Maquereau brûlé au satay -ma cuisson préférée, qui préserve le moelleux du poisson, tapioca, glace au wasabi, huile de homard. Tout est dit. De la complexité des accords naît une assiette sublime de simplicité. Du grand Alexandre. Tel que je l'attendais.

Place aux desserts. Hâte de découvrir la palette sucrée. Petit pincement au coeur du temps qui passe et va sonner le glas de mon rêve bleu.
Première assiette comme une devinette. Les chefs jubilent à nous faire deviner l'essence de leur création. Je trouve le chou-fleur, le lait de coco et la vanille. J'oublie le chocolat blanc. Décidément, je suis meilleure sur le salé 😉. David Toutain a osé le chou-fleur en dessert, et ça marche ! Chapeau bas.

Lait cru, miel "niaouli". Tuile meringuée. Un parfum en dessert, l'extase.

Café, thé vert Matcha, cacahuète, zeste de cédrat, tuile de glucose cacahuète. Ne plus jamais se demander thé ou café...

Mocchi de persil. A la base, un dessert traditionnel japonais fait d'une pâte de riz gluant. Texture insaisissable, presque improbable. Croquer dans la bouchée. Découvrir un coeur de persil coulant. Sucré. Si, si. Voir la vie autrement. Différemment. Prendre une claque, une bouffée d'air, rester scotchée à la chaise. Les mots manquent parfois. Sensations qui se bousculent. Certitude d'être ailleurs. Dans une quatrième dimension où le temps et l'espace disparaissent. Ne pas savoir lequel des deux... poser la question. Génial David Toutain. Sourire sur les deux visages. Deux respirations pour la même inspiration.

Churros topinambours. Terminer comme nous avons commencé. Avec une racine qui n'a l'air de rien. Reconsidérer les churros.

Se laisser tenter par une infusion. Vous avez bien lu. Mélisse, immortelle, menthe, épices... un voile de douceur et de fraîcheur sur la fin du voyage.

Ecouter les chefs, applaudir les équipes. Sentir les larmes monter. Conscience d'avoir touché du doigt l'exception.

Dernière discussion avec Alexandre sur le trottoir. Ecouter son projet magnifique*. Echo aux impressionnistes descendus en Provence chercher la lumière, l'instant, la couleur. Parce que sa cuisine est une vision du monde. PARCE QU'ELLE A CHANGÉ ma vision du monde. Les yeux qui brillent. S'éloigner à regret. Minuit est passé, laisser la citrouille s'en aller, garder les étoiles accrochées à mon rêve. S'éveiller le lendemain sur l'idée d'un mocchi de persil... et se dire que la vie est belle !



(*) Pour tout savoir sur le projet Art et Création d'Alexandre Mazzia découvrez l'article d'Atabula >>>