Rencontres gourmandes de Château Vaudieu... quand la gastronomie prend ses quartiers d'hiver chez Laurent et Julien Bréchet
Départ pour Château Vaudieu dans le petit matin froid. Figé dans le temps, Châteauneuf du Pape flotte au-dessus d'une mer de vignes dont je ne sais en quelle saison la préférer : l'hiver, pourtant bien timide, porte en lui la promesse du printemps et les ceps au repos dévoilent les tourments de leur dentelle de bois sous le ciel gris de janvier. Réminiscences d'un autre vignoble prodigieux, quand ma vie s'écrivait autour de Saint-Emilion... Je m'arrête au bord de la route, pour profiter un instant de la vue : VAUDIEU en toutes lettres en haut de la colline. Hollywood on wine, où les frères Bréchet changent en or rouge et blanc les grappes qui s'égrènent sous les doigts, stars éphémères d'un invincible été.
Je suis arrivée, les rencontres de Château Vaudieu s'apprêtent pour une nouvelle session : nouveaux chefs, amis retrouvés parmi le jury ou nouvelles rencontres... quand la gastronomie prend ses quartiers d'hiver chez Laurent et Julien Bréchet la gourmandise est forcément au rendez-vous !
Je file tout de suite en cuisine pour un premier contact avec les chefs, que je rencontre pour la première fois. Le Vieux Four à Mouriès et le Château Massillan ne me sont pas inconnus, Avenio a ouvert il y a juste quelques mois. Derrière ces noms, trois hommes passionnés, Frédéric Crouvoisier, Frédéric Le Bourlout et Jérôme Nolin, qui s'apprêtent à nous faire découvrir leur belle cuisine.Le sommelier s'apprête pour l'apéritif, les bouchons jaillissent - bruit sec, éclat de métal du tire-bouchon, main qui virevolte... Un clos Belvédère 2014 qui va nous ravir !
Les invités arrivent un à un. Born to be alive se chuchote sur toutes les lèvres : Mr Patrick Hernandez himself est là. J'aperçois Serge Dupire et Elodie Varlet, plus belle la vie !!! Les blogueuses aussi sont au rendez-vous, et pas des moindres -je bénis Dimitri Kuchenbrod, le gentil organisateur de l'événement 😊. Le chef Julien Allano, du Clair de la Plume à Grignan, est de la partie, pour mon plus grand bonheur.
Pour accompagner le Clos Belvédère, des gressins et une crème d'ail doux et truffe d'été d'Aix et Terra : très belle association d'une maison qui monte, qui monte...
Nous passons à table et découvrons les paniers imposés. Belle harmonie d'hiver, légumes de saison, associations originales. Cela promet.
Frédéric Crouvoisier, du Vieux Four à Mouriès, a tiré l'entrée au sort : Saint-Jacques, poireaux, raisins secs, servi sur un Plateau du Chêne, Lirac Blanc 2014.
L'assiette arrive : Saint-Jacques en chaud et froid, confit de poireaux, raisins moelleux. Une assiette gourmande que couronne une cristalline de poireau. Très technique et original. Mangue et raisins font la part belle à un superbe tartare. De l'autre côté de l'assiette une Saint-Jacques rôtie alanguie sur un lit de poireaux onctueux. Un espuma de corail, tout en légèreté, couronne l'assiette. En bouche, tout est goûteux, les assaisonnements parfaitement maîtrisés. L'ensemble est très frais, peut-être trop printanier même si les produits sont de saison. Je me régale. Juste l'impression de manger deux assiettes en une, il manque peut-être un fil conducteur qui raconte une histoire. Mais là je pinaille...
Le plat est exécuté par Jérôme Nolin, du restaurant Avenio à Avignon : filets de caille rôtis et cuisses confites, salsifis et noix, servi sur un Châteauneuf du Pape Vaudieu rouge 2006 -un vrai grand vin, une surprise de légèreté pour un millésime d'une telle année.
Le dressage est un peu pauvre, il manque de volume, même s'il n'était pas des plus faciles à réaliser. Mais... à la première bouchée c'est l'éclate. Le filet, basse température, est cuit à la perfection, juteux, moelleux, juste doré au sautoir. Les cuisses onctueuses. Le salsifi croquant répond à la purée parfumée au safran -à peine une touche, qui apporte sa rondeur. Les noix croquent, donnant du corps à l'ensemble, le jus est gourmand, quelques feuilles de chou de Bruxelles pour la couleur. Fini trop vite, saucé avec le pain. Envie d'y revenir, mais l'assiette est désespérément vide. C'est un signe ?
Le dessert a échu à Frédéric Le Bourlout, du Château Massillan. Potimarron et agrumes dans le panier, servi sur un Gigondas Domaine des Bosquets Rouge 2010. L'accord ne sera pas évident.
La douceur de potimarron, fraîcheur d'agrume et son sablé breton est avancée. Très joli dressage, qui fait la part belle à la couleur et aux textures : onctuosité d'une glace potimarron, mélange de douceur et d'acidité de la crème citron, croquant du sablé, aux notes légèrement salées, un vrai bonheur, croustillant des tuiles au grué de cacao, fraîcheur des suprêmes de pamplemousse. Une assiette qui se mange par petits morceaux, pour savourer chaque élément de la proposition, ou ensemble. C'est d'ailleurs là que le vin s'accorde, sinon il ne met en valeur que le potimarron et le sablé. C'est bon, c'est frais. Peut-être trop, un agrume confit aurait-il mieux convenu ?
C'est l'heure de l'analyse, à notre table comme à celle du jury principal. Nous tombons d'emblée d'accord sur plusieurs points : le haut niveau des candidats, le travail engagé, le goût dans toutes les assiettes. Nous convenons que l'entrée manque un peu d'ensemble, sinon de cohérence. Comme toujours cela ne se joue à pas grand-chose. Le diable se cache toujours dans les détails.
Nous n'arrivons pas à départager le plat et le dessert. Tout y passe, l'accord mets-vins -qui n'est pas choisi, mais imposé à partir du panier, l'équilibre, le goût, le dressage. Ah, le dressage ! Le grand dilemme de la vision actuelle de la cuisine gastronomique : le beau et le bon.
In fine nous partons sur un statu quo, une égalité parfaite que nous jouons aux points. Mais entre nous, entre nous... que préférer ? Je pose la question : que privilégier, le bon ou le beau ? Cri du coeur autour de la table : le bon bien sûr ! Si le beau est à la clé c'est cadeau, mais il s'agit de cuisine, là.
Toutes les fiches sont collectées, Laurent Bréchet demande à chaque table de s'exprimer et annonce les résultats. Les mêmes remarques reviennent à chaque table. La gourmandise l'emporte, comme toujours à Château Vaudieu : Jérôme Nolin remporte cette session de la sixième édition des rencontres gourmandes de Château Vaudieu, sur le goût et la cuisson parfaite de sa viande. Le goût, je vous dis !!! Mais ses concurrents n'ont pas démérité.
Après les cafés, rendez-vous en cuisine où une surprise nous attend. Christophe Gueze, charcutier de génie à Vernaux en Vivarais, en Ardèche, a apporté quatre jambons fraîchement coupés, pour une séance de salage VIP. Patrick Hernandez, Elodie Varlet, Laurent Bréchet et Serge Dupire s'y collent avec enthousiasme. Sel fin et épices en massage pour assouplir viande et couenne et éviter tout développement bactériologique, puis salage au gros sel. Nos invités de marque sont très motivés : ça masse, ça masse ! Après plusieurs étapes de séchage, à divers degrés et hygrométries, rendez-vous dans un an pour aller chercher les jambons affinés. L'occasion d'une nouvelle rencontre -tout aussi gourmande ! L'après-midi tire à sa fin, nous quittons les lieux après avoir échangé qui une carte, qui un numéro, nous nous retrouverons dans quelques heures sur les réseaux sociaux. Le silence propice au travail du vin va recouvrir Château Vaudieu. Il est temps de rentrer... pour mieux revenir.
Un grand merci à la famille Bréchet pour son accueil fantastique, bravo à Dimitri Kuchenbrod pour cette belle organisation, et chapeau bas Messieurs les chefs !
Château de Vaudieu
501 Route de Courthézon84230 Châteauneuf du pape
Tel: 04.90.83.70.31 / Fax: 04 90 83 70 31 / Email: aurelie.farjon@famillebrechet.fr
http://www.famillebrechet.fr/vins-fins-du-rhone-vignerons-a-chateauneuf-du-pape