Les galettes de blé noir, quelle histoire !


La galette de blé noir, dite aussi  galette bretonne ou normande, ou galette tout court, est une spécialité  emblématique de la cuisine bretonne à base de farine de sarrasin -qui n'est pas une céréale, mais une polygonacée (à ce titre il ne contient pas de gluten).

Le blé noir (sarrasin) vient en Bretagne à l'époque des croisades. Il y est cultivé depuis le 16ème sicèle sous l'impulsion de la duchesse Anne. Il devient alors la base de l'alimentation bretonne. La galette se mange à la main ou trempée dans la soupe pour l'épaissir.

Et c'est là, à l'occasion de la fabrication de ces galettes, que les ennuis commencent. Et là, ceux qui savent, savent. Vous voyez de quoi je parle. Parce qu'elles sont bien jolies et gourmandes ces galettes généreusement garnies qu'on déguste dans les crêperies, accompagnées d'un bol de cidre, mais voilà, à la maison, ce n'est plus la même chanson. Pas de bilig (cette plaque de fonte tuilée sur laquelle la galettière -on en recensait rien que 130 à Rennes dans les années 1840- étale la pâte de main de maître. Et puis, dès que la poêle chauffe, la pâte devient toute sèche, se fendille et part en petits morceaux. Mais qu'est-ce que c'est que cette crêpe !

Ce n'en est pas une, justement (même si en Basse Bretagne c'est l'appellation crêpe de sarrasin qui prévaut), puisque par définition la galette se compose de farine de sarrasin, lequel ne contenant pas de gluten, ne donne pas à la pâte cette élasticité qui permet à nos traditionnelles crêpes de se décoller et de se retourner facilement.

Et là je vous vois venir, si, si, je vous vois ! Je sais bien ce que vous faites -je l'ai fait aussi. Vous allez de ce pas au supermarché du coin acheter sous blister un lot de galettes de blé noir dont l'étiquette vante la tradition, parce que c'est plus facile que cette maudite pâte faite d'un mélange d'eau et de farine de sarrasin (le paquet d'il y a deux ans, on n'en fait qu'une fois à la Chandeleur !).

Oubliez tout ça, oubliez les idées reçues. Exit les moralisateurs de la crêpes, les censeurs de la recette traditionnelle, l'unique, la vraie (et si tu ne la suis pas à la lettre, tu iras brûler en enfer !). 

D'abord parce que c'est le résultat qui compte, et l'important est que ce soit bon. Et puis aussi et surtout parce qu'il n'y a pas qu'une recette de galette. Si dans le Nooord de la Bretagne on en tient pour un simple mélange d'eau, de sel et de farine de sarrasin fraîche, dans le sud c'est une autre histoire. Et cette histoire-là va vous réconcilier avec la galette de blé noir.

En effet, il est de coutume d'ajouter du froment (le vrai blé) au sarrasin, un peu de lait aussi, pour le moelleux, et un oeuf ! Mieux, il se murmure sous le manteau qu'une cuillère de miel ferait aussi la différence. 

Alors j'ai testé, essayé, varié les proportions, et tadam... voici ma recette inratable de galettes de blé noir, avec quelques règles tout de même, la première étant d'avoir une farine de sarrasin fraîchement moulue. Regardez bien la date sur le paquet (idéalement la date de mouture, la plus importante, elle figure notamment sur les paquets achetés en magasins bio). Parce que la farine de sarrasin a un gros défaut, elle ne se conserve pas. Ça n'a pas l'air, à la regarder, à la sentir, mais elle devient âcre et laisse aux galettes un goût amer. 

Ingrédients (pour une douzaine de galettes) :

270 g de farine de sarrasin (dite aussi de blé noir) fraîche

60 g de farine de blé tamisée

65 cl d'eau

10 cl de lait entier

1 oeuf frais, bio de préférence

1 cuillère à soupe de miel liquide

5 à 6 g de sel

QS beurre doux

Préparation :

Mélanger les deux farines et faire un puits. Ajouter le sel au centre, puis petit à petit l'eau, en tournant à la cuillère de bois très vivement. Au départ la pâte est très collante et difficile à travailler. Au fur et à mesure elle va se fluidifier. Ajouter ensuite l'oeuf légèrement battu, puis le lait. En fin de travail utiliser un fouet, plus facile à manier. Terminer avec la cuillère de miel (liquide). Fouetter une dernière fois et laisser reposer au frais plusieurs heures (au moins 3 ou 4).

Faire chauffer à feu vif (environ 8) une poêle à crêpes). L'idéal est un bilig, mais ce type d'appareil, volumineux, lourd et coûteux, nécessite le coup de main. A réserver donc aux amateurs de crêpes à l'année. 

Quoi qu'il en soit, il faut investir dans sa crêpière. Ne pas la choisir trop grande, sinon la chaleur risque de ne pas se diffuser uniformément et la mise en oeuvre de la pâte sera plus complexe. Elle doit être épaisse, en fer ou en fonte (d'aluminium pour un bon compromis efficacité/légèreté). Et de préférence anti adhésive pour plus de facilité (les nouvelles générations ne comportent pas de PFA). 

Quand la poêle est bien chaude, frotter sa surface avec un petit morceau de beurre, à l'aide d'un essuie-tout. La surface doit être correctement huilée, mais pas trop non plus. Privilégier le beurre à l'huile, qui laisserait un goût de graillon (en plus de faire s'envoler la coiffe bigoudène de nos bretonnes choquées qu'il puisse exister une autre matière grasse que le beurre salé). 

Verser  la juste dose de pâte à la louche (ou mieux, à la verseuse, un accessoire super pratique pour conserver la pâte à crêpes et la remuer à chaque fois qu'on verse, composée d'un flacon souple en plastique, entièrement démontable, avec à l'intérieur une balle ressort permettant de brasser la pâte, et au sommet un bouchon muni d'une valve pour distribuer la pâte en quantité raisonnable). Pour recouvrir toute la surface de la poêle faire tourner cette dernière au poignet, afin d'obtenir une couche régulière et suffisamment fine de pâte. 

Laisser cuire la première face jusqu'à ce qu'elle dore bien. Ne surtout pas chercher à la décoller trop rapidement, c'est là qu'elle se casserait. D'où l'importance de la chaleur de la poêle. 

Et là, deux écoles : garnir immédiatement  et refermer la galette (en deux ou en rabattant chaque côté), ou retourner et laisser dorer la deuxième face le temps de garnir et de rabattre. C'est vous qui voyez. Personnellement j'aime bien les galettes croustillantes, donc je retourne systématiquement.

Garnissage :

Tout est permis, de la complète (oeuf, jambon, gruyère), à la nordique (poisson fumé, crème, oignon), à la galette saucisse, la gourmande brie crémeux et amandes effilées grillées... L'important est de se faire plaisir, tout en choisissant de bons produits (un comté un peu affiné, un gruyère suisse, en lamelles fines, vaudront toujours mieux qu'un râpé premier prix en sachet, idem pour le jambon fermier du charcutier, l'oeuf bio de petit producteur...). 

Alors bien sûr, vos galettes ne seront pas aussi sombres ni aussi fines que celles d'une bonne crêperie bretonne, mais le goût sera là, et plus jamais vous ne direz : ah non, pas de galettes, je me rate à chaque fois !


NB : merci à M. Google pour l'histoire des galettes de blé noir