Un petit ver d'anisakis ? Réflexions sur un parasite pas anodin du tout


Anikasis. Un petit nom charmant, entre pastis et anisette. Presque un appel à l'apéritif, pas ciel gris ou bleu, devant une assiette d'authentiques tapas catalans. Comme ces fameux boquerones que je prépare régulièrement. Cachant une réalité bien moins rose, celle de ces petits parasites présents dans les intestins des cétacés, qui contaminent au stade larvaire la plupart des poissons et des calamars à travers toute la chaîne alimentaire. On en trouve aujourd'hui, selon Sciences et Avenir*, 283 fois plus que dans les années 70.
Il y a quelques années de ça j'aurais trouvé ça touchant, pensé que la nature grouillait de vie... peut-être même aurais-je essuyé une larme. Mais ça c'était avant. Avant de découvrir leur existence et leur recrudescence. 


Car lorsque ces mignonneries minuscules, parfois difficiles à voir à l'oeil nu, transparentes ou roses, d'une résistance étonnante à l'écrasement, à la lame du couteau, aux extrémités pointues et perçantes comme une chignole, pénètrent la chair desdits poissons, elles finissent par s'inviter dans nos estomacs, pour une rave party à tous les étages, provoquant diarrhées, vomissements, douleurs abdominales, voire urticaire, choc anaphylactique, péritonite ou encore perforation de l'estomac.
Si la température de 70° leur est fatale, l'engouement pour les préparations crues, sushi, tartares et autres ceviches, mais aussi les cuissons actuelles, plus justes, qui ne montent pas tout à fait à ce niveau à coeur, constituent un vrai risque sanitaire dont on évite soigneusement de parler à la poissonnerie par peur de faire fuir les clients.
Pourtant, en aparté, le langage est clair et correspond aux recommandations sanitaires officielles. Seule une congélation à -18° durant une semaine garantit la destruction de ces bestioles.


Et pour la première fois depuis que je fais mes anchois, en vidant les entrailles poiscailleuses j'ai trouvé un de ces petits vers gigotant comme un marmot devant une confiserie. 
Et tandis que mes filets d'anchois s'alanguissaient paresseusement sur la planche à découper, sous mes yeux ébahis et marris sortirent peu à peu des chairs une dizaine de petits vers, pour certains si minuscules que je peinais à les voir sans loupe. C'en était fait de mes boquerones, je m'apprêtais à les jeter puisque la congélation des anchois, dans mes souvenirs, était tout sauf heureuse, ne rendant au pauvre cuisinier désabusé qu'une masse flasque et molle, bonne à faire un hachis.
Fichu pour fichu je tentai une expérience. Je passai au sel les filets durant une demi-heure afin de leur faire rendre leur eau. Après les avoir soigneusement rincés et séchés je les alignai en rangs dans un film plastique avant de les mettre sous vide. 
Et à Dieu vat !
Huit jours passèrent au congélateur et la surprise fut divine. Non seulement les anchois n'avaient pas bougé, mais ils se tenaient mieux que tous ceux que j'avais préparés. Je ne les ferai désormais plus qu'ainsi, tant pour ma santé que pour mes papilles.

*pour en savoir plus sur les anisakis…