Maquereau, coques, avocat en guacamole, ail noir


Une à une j'ai ôté les arêtes. Patiemment, obstinément. Prenant mille précautions. Ne rien brusquer, effleurer les fibres avec un geste sûr. Comme on déshabillerait une femme. Loin de moi l'idée de les rendre croustillantes pour être dans l'air du temps. Mon obsession était ailleurs, dans la perfection de la cuisson, la chair juste prise, encore rosée à cœur, fondante au palais, moi qui ne déteste rien tant que ces filets archi-cuits, secs et filandreux, qu'on n'en finit plus de déglutir tant la glotte se refuse à un tel déshonneur  -pauvres bêtes mortes deux fois, sacrifiées sur l'autel d'un méchant fourneau par quelque indélicat.
Privilégiant d'ordinaire la cuisson au chalumeau, j'ai tenté cette fois la vapeur, à l'ancienne, dans un panier de bambou chantant sur l'eau qui bout. Au risque de me brûler à tâter la souplesse, le rebond sous les doigts. Et ce fut bon. Un parfum d'ail, un air de garrigue, flottant dans la brume de la casserole avaient enveloppé les dos bleus -cet ail léger qu'on allait retrouver dans l'avocat crémeux, et plus sucré encore devenu pulpe noire. Foin de croquant dans cette assiette : la simple et juste fermeté du poisson, les coques à peine ouvertes, encore ruisselantes de mer. Et la fraîcheur du fruit vert, livrant au détour d'une cuillère la vierge, la vivace ardence du piment, comme un bel aujourd'hui annonçant le printemps...


Ingrédients (pour 4 personnes) : 
4 maquereaux de taille moyenne (ou à défaut 8 filets, mais si possible préférer les poissons entiers et faire lever les filets devant vous ou les lever vous-même)
800 g de coques
4 avocats mûrs
1 oignon
1 tête d'ail noir
2 têtes d'ail
1 bouquet de thym
2 citrons verts
QS sel, poivre, huile d'olive, piment d'Espelette

Préparation : 
Deux heures minimum avant cuisson tremper les coques dans de l'eau froide bien salée afin qu'elles rendent leur sable résiduel.
Ôter les arêtes des filets de maquereau. C'est l'étape la plus longue et la plus fastidieuse de la recette, mais elle est indispensable.
Préparer une purée de type guacamole (mais sans tomate), en mixant les avocats épluchés et coupés en morceaux avec le jus de deux citrons verts, 1 gros oignon émincé, deux gousses d'ail écrasées au presse-ail, sel, poivre, piment d'Espelette et huile d'olive. Il s'agit d'obtenir une préparation lisse et onctueuse, mais encore ferme. La réserver dans une poche à douille.
Éplucher l'ail noir et passer les gousses au presse-ail pour obtenir une texture crémeuse et un peu collante.
Ouvrir les coques dans une sauteuse avec un filet d'huile d'olive, deux ou trois gousses d'ail écrasées et du thym émietté. Dès que les coquillages sont ouverts, arrêter la cuisson et les décoquiller. En garder quelques-uns avec la coquille pour le dressage.
Dans le fond de paniers vapeur en bambou (en superposer deux) garnis d'une feuille de papier sulfurisé troué au couteau au niveau des interstices, déposer une tête d'ail coupée en deux, la moitié dans chaque panier, une poignée de thym et des gros morceaux de zeste de citron vert. Ajouter les filets de maquereau côté peau dessous. Faire bouillir de l'eau salée dans une casserole et la couvrir des paniers bambou avec le couvercle. Cuire quelques minutes les poissons en vérifiant à la pression du doigt que la chair est prise tout en restant moelleuse. Retirer les paniers et déposer les filets sur une planche.


Dressage : 
Déposer deux filets de maquereau par assiette, peau sur le dessus. Aligner une poignée de coques et en disposer deux ou trois avec la coquille sur les filets. Écraser l'ail noir à la spatule dans le fond de l'assiette. Dresser l'avocat en petits tas à l'aide de la poche à douille, terminer avec un gros trait de guacamole.