La truffe, l’oeuvre au noir


C’est une histoire de désir qui ensorcelle, une histoire d’homme et de chien, de main plongée dans la terre, cette terre sombre qui la fait naître en neuf mois. Songez, neuf mois… pas de hasard, la truffe est mystère, au sens sacré du terme.
Et loin de toutes les autres richesses, cet or noir, si rare aujourd’hui, ne doit pas son succès à son luxe parfois indécent, ni au prestige des tables auxquelles il est servi, mais bien à la magie de son parfum, à la beauté unique de son veinage, caché sous les pointes de diamant de son écorce rêche qui caresse la paume, à l’instant de grâce de sa récolte.


Car pour qui veut appréhender la truffe noire, l’unique Tuber melanosporum, il faut aller à la source. Voyage initiatique au coeur de l’hiver, sur les pas du trufficulteur, loin de la foule des stations de ski à la mode, parfum de chasse au trésor, quand les yeux suivent la ronde du chien au pied des arbres, silence religieux, souffle suspendu à la patte qui gratte, aux doigts fébriles qui fouillent le sol, au pic enfin qui fait surgir la promesse -petit caillou ou tubercule obscène. Et l’odeur flottant soudain dans l’air, qui s’enroule autour de vous, narguant vos narines. Alors, sans doute, vous toucherez là à l’essence du précieux champignon, et votre assiette sera à tout jamais différente.


En bouche aussi c’est un bouleversement. Arômes puissants, complexes et mêlés, évoquant la terre, le cuir, le musc, le sous-bois, la noisette… comment décrire l’indescriptible ? En aristocrate de la table la truffe noire est l’éloge de la simplicité. Et c’est là toute sa diablerie. Une tranche de pain beurré, un oeuf ou quelques pâtes, une humble purée, sont son plus bel écrin, faisant d’elle l’alliée de la cuisinière dilettante.
Et contre toute attente, quelques grammes suffisent à ravir les palais. A l’heure de la malbouffe industrielle, il convient de refaire le match. Chère la truffe ? Oubliez le prestige des temples de la gastronomie citadins, privilégiez le petit producteur. Profitez d’un week-end pour (re)découvrir la campagne en hiver, et rapporter de ce cavage une truffe fraîchement ramassée au juste prix*. Pour 10 € par personne vous servirez à vos convives ébahis la plus merveilleuse des brouillades. Loin, très loin des pizzas et burgers dont le prix avoisine cette petite folie.


Oeufs brouillés à la truffe noire, pour 4 personnes :
Une douzaine d’oeufs bio, 120 g de beurre doux (si possible cru), 40 à 50 g de truffe noire (Tuber melanosporum) fraîche, sel, poivre.
24 à 48 heures avant, enfermer les oeufs avec la truffe enveloppée d’un essuie-tout dans une boîte hermétique afin que les oeufs s’imprègnent du parfum. Le jour J, battre légèrement les oeufs dans un récipient, saler, poivrer, incorporer la moitié de la truffe râpée à l’aide d’une râpe de type @Microplane à gros trous, faire fondre le beurre dans une casserole, sans trop le chauffer. Déposer la casserole dans une autre un peu plus grande, remplie d’un peu d’eau. Ajouter les oeufs mélanger sans arrêt au fouet en chauffant le bain-marie à feu moyen, jusqu’à ce que les oeufs prennent une consistance crémeuse. Retirer la casserole du feu, servir dans des assiettes creuses chaudes et râper le reste de la truffe sur chaque assiette.

* Pour assister à une séance de cavage avec Michel Tournayre, acheter des truffes noires de qualité et prolonger ce moment par un dîner au restaurant éphémère du lieu, venez découvrir les Truffières d’Uzès, 830 route d’Alès, 30700 Uzès.
Contact : 33 (0)4 66 22 08 41/ 33 (0)6 07 96 00 56 / lestruffieresduzes@gmail.com
www.lestruffieresduzes.fr