L'adieu


René est parti sur la pointe des pieds. En toute discrétion. Tel que je l'ai toujours connu. Sous la casquette qui ne le quittait pas en période de récolte, le regard droit derrière les lunettes s'éclairait d'une étincelle malicieuse pour qui savait observer. De retour de cavage, avec les chiens, dans l'air froid et humide de janvier, il ouvrait la porte du mas où il était né, où son père avant lui avait commencé d'apprivoiser la truffe, et se dirigeait d'un pas assuré vers le laboratoire pour brosser les diamants noirs. Les choisir, les choyer, lourd de certitude, de la tranquillité silencieuse de ceux qui savent. Concentré sur la tâche, canifant d'un geste sûr. Les mots étaient comptés, le champignon mystérieux ne souffrant pas le superflu. Le visage fermé s'illuminant soudain à l'arrivée de ses petites filles.
Il a rendu les armes. C'était pourtant lui, le plus grand chêne des truffières. Son ombre va manquer dans la plantation.