Finale de Vaudieu, les petits bonheurs



C’était lundi dernier, plus exactement le dernier lundi de mai. La date était biffée sur mon calendrier. Le jour où j’allais chercher bonheur. Pas vraiment Chico, non -sérieusement, vous m’envisageriez une seconde en icône extravertie tout droit sortie d’une telenovela brésilienne ? Plutôt le P’tit bonheur – version Dalida, Félix Leclerc il ne faut pas exagérer non plus. Mais seulement les deux premiers couplets. Parce que les Rencontres Gourmandes de Château Vaudieu, c’est toujours un tel bonheur !


Alors bien sûr, comme à chaque nouvelle Rencontre, je vais vous parler de gastronomie. De vins aussi, et même de vins divins. Voire même d’accords mets/vins -soyons fous.

Mais je vais surtout vous parler de bonheur, de visages éclairés, des yeux qui brillent, des rires qui fusent, des conversations chuchotées entre amis d’un jour ou de toujours, de la joie de se retrouver, du plaisir d’être ensemble… De ces instants de communion, autour d’un verre, d’une assiette, d’une discussion, dont nous devons la grâce à Laurent Bréchet. Parce qu’il y a huit ans de cela a germé l’idée d’un concours gourmand, prétexte à rencontres et partage autour du vin et de la bonne chère. Ce bel esprit a noué des amitiés, il a révélé des hommes passionnés, tant cuisiniers que vignerons, les a fait naître à la lumière. Les Rencontres Gourmandes de Château Vaudieu sont un chandail -vous savez, le pull préféré qu’on porte en toutes saisons, soyeux et confortable, fait de petits bonheurs tricotés à chaque édition, une maille après l’autre, mêlant les points avec élégance. Celui qui attire les regards d’envie tant il vous va bien.

Les points du jour, justement, se sont mêlés en une belle torsade.

Dès l’entrée, un Saint-Pierre cuit dans son milieu, parfum d’olive, pressé de courgette punché à l’eau de vie, compote de fenouil acidulé, crème réduite citron vert eau de mer, orchestré par Enzo Ciccarelli, de la Maison Ripert en Avignon, nous avons touché le bonheur du bout de la fourchette. Poisson nacré, à la cuisson magistrale -eau de mer, sans doute vapeur, fraîcheur du fenouil et du citron vert, notes subtiles d’une eau de vie d’olive Manguin qui fait depuis quelque temps le bonheur de mes gins tonic. L’accord avec le vin était parfait : la dernière nouveauté du Domaine des Bosquets, Cheval Long Côtes du Rhône Gigondas 2016, un parcellaire bien dans l’esprit du travail tout en élégance de Julien Bréchet, s’est révélée pleine de fraîcheur, laissant le poisson s’exprimer et portant le fenouil sans jamais l’éteindre. Nos mines réjouies attendaient peut-être un poil plus d’originalité -on devient exigeant à côtoyer l’excellence…

La poitrine de pigeon ramier rôti sous la peau, haricots verts et petits pois mis en crème, jus court et balsamique blanc, menthe sauvage de Yann Tanneau, Madam, à Grenoble, nous a comblés -de bonheur, de saveurs, mais pas rassasiés. Seul bémol d’ailleurs à cette exécution brillante, où la cuisson du pigeon le disputait à l’explosion de goûts de la garniture petits pois haricots verts tandis que le Crozes Hermitage Domaine Combier cuvée 2011, aux arômes complexes -fruits rouges, sous-bois, cuir…, filait le parfait amour avec la chair rosée du pigeon.

Et puis vint le Bonheur.

Le vrai. Un ravissement de tous les sens. Une pièce en cinq actes au doux nom de « mousse Guanaja 70%, croustillant maïs grillé, mara des bois, sorbet cacao intense eucalyptus ». Bonheur de lire, d’abord, des mots posés sur un dessert pour expliquer la création. Des mots que je ne résiste pas à vous faire partager :

« Le sable est le piédestal de Vaudieu

Au Château il est le socle des baies

Dans l’assiette il est la douceur que j’ai imaginée.

Mousse guanaja 70%, puissante, racée… pour l’écho avec le verre.

Coulis mara des bois mûr, gourmand, tonique, pour révéler la fraîcheur de Val de Dieu.

Sorbet cacao intense, pour répondre à la densité du nectar, une pointe d’eucalyptus pour figer l’extase et prolonger en bouche un caractère garrigue de longues secondes.

Pour jouer avec la structure tannique je vous réserve quelques surprises, jeu de textures et saveurs énigmatiques, en accord avec le mystère onirique dans lequel vous a plongé le vin de Vaudieu. »

Bonheur des yeux, d’une assiette en noir et rouge, apprêtée pour un flamenco, un pas de deux entre le fruit et le cacao, au fond de laquelle l’éclat sombre d’un sorbet luisait de promesse contenue.

Bonheur surprise d’un oeuf qui vient se briser au centre de la table, sous la main élégante de Mathieu Desmarest, La Vieille Fontaine, hôtel d’Europe, en Avignon, laissant dans son sillage des éclisses de chocolat aux reflets dorés.

Bonheur des papilles quand chaque bouchée joue la partition, note après note, jusqu’au crescendo final qui suspend le temps d’un tourbillon de cacao transpercé d’un trait d’eucalyptus, éclair de génie au coeur d’une tempête de chocolat. Certain(e)s attendaient plus de fruit. En amour il faut toujours un perdant…*

Bonheur enfin au dernier acte, quand le Château Val de Dieu rouge 2012, un « lion en cage » de la bouche même de Mathieu, est venu rugir sur cette débauche de plaisir, lui apportant une fraîcheur inattendue.



Au-delà des mets, au-delà des vins, à travers eux, de cette finale j’ai tenté de saisir le bonheur, tous les bonheurs, les petits bonheurs du jour, au hasard des clichés. La photo de famille parle d’elle-même…



Château Vaudieu

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